Les plumes de l'Erguël

 

Les professionnels de l'Erguël prennent leur plumes pour partager évocations, méditations, réflexions.

Textes parus dans la Feuille d'Avis du District de Courtelary chaque semaine, puis à quinzaine, depuis le 27 mars 2020.

Depuis mars 2023, nos textes sont hébergés chez notre partenaire, RéformésBEJU. Ils sont à retrouver en cliquant ici.

 

 


Un avent en novembre ?

6 novembre 2024

Le 1er novembre est passé, et voyez-vous la même chose que moi ? On se prépare déjà à Noël dans tous les coins. Des chocolats, des guirlandes, des pères Noëls. L’appel à Noël est là, mais pas encore celui de la magie de Noël, non, c’est bien plutôt le côté commercial qui est mis en avant. Et cela marche, j’ai d’ailleurs craqué aux supplications de ma fille et elle a déjà un calendrier de l’avent, avec des images. Sauf que… Sauf que nous sommes en novembre ! Nous avons donc dû faire un calendrier pour compter les jours jusqu’au moment où nous pourrons compter les jours jusqu’à Noël. Il y a quelque chose d’absurde à la situation…

Et peut-être que l’on perd un peu la magie de l’avent. A force d’étirer et d’allonger cette période, elle en perd son sens. On ne peut pas vivre une période d’attente à une période d’attente, cela ne veut plus rien dire. La question qui me taraude, c’est est-ce que Noël s’invite à nous si tôt uniquement pour des raisons commerciales ou est-ce que c’est le mois de novembre qui est parfois si morose que l’on essaie de rapprocher cette magie de Noël pour nous encourager ? Une sorte de fuite en avant pour oublier le brouillard et le froid qui s’installe.

Au centre de Noël, il y a cette naissance, ce petit être humain tout frêle et pourtant annonciateur d’espoir... Peut-être que plutôt que de nous lancer dans les décorations de Noël, nous pourrions tenter d’admirer les toutes petites choses frêles du mois de novembre… et de le faire avec douceur, reconnaissance et sans pression.

Je nous souhaite à toutes et tous de pouvoir profiter du mois de novembre comme un mois de novembre… du soleil quand il y en a, des balades, des temps doux au jardin ou sous une couverture… et pourquoi pas avec un ou deux petits chocolats de Noël en plus pour le moral !

Maëlle Bader, pasteure

On requiert toute votre attention !

25 octobre 2024

Notre attention est de plus en plus sollicitée et est devenue un marché majeur ! Au point que les pubs numériques sont calculées pour capter notre attention en 6 secondes (après il semble qu’on se lasse).

Qu’est-ce que « porter toute son attention sur quelque chose » ? Est-ce que l’on ne voit plus le reste ? Est-ce que cela vous arrive d’être tellement pris dans une activité que vous ne percevez plus votre environnement ? Tentez l’expérience (en anglais) ici :
« The Monkey Business Illusion » : https://www.youtube.com/watch?v=IGQmdoK_ZfY)

Alors, sommes-nous manipulés ? Choisissons-nous sur quoi nous mettons notre attention ? Entre information, surinformation et désinformation, guerres et crise climatique une tendance est de ne garder que le positif, une bonne nouvelle chaque jour par ici : https://www.youtube.com/channel/UCAXzMIHPYk0AD8ig4AYgtVA

Mettre de côté ou ignorer les mauvaises expériences et le négatif a une influence sur notre vie, sur notre perception de notre environnement et de nous-même. Ce n’est pas sans risque, la réalité est plus complexe, Disney le montre dans son dernier long-métrage : https://www.cineman.ch/fr/film/2024/InsideOut2/seances.html#movie-detail-nav

Vous êtes toujours là ? Ou vous ai-je perdu ? Et si nous sortions de l’attention précise façon « GPS » pour revenir à vision plus globale de carte géographique ?

Présenter une approche holistique et sortir du focus « riche assistant – pauvre assisté » était le thème du culte d’entraide Terre Nouvelle dimanche dernier à Bienne. Voir l’autre en possession de capacités et lui donner les moyens de créer, entreprendre, se développer et cultiver ce qui est juste pour soi.

Nous aussi, prenons le risque de sortir des sentiers battus, de demander notre chemin, de nous perdre, de découvrir, de vivre et de porter attention au monde dans sa globalité.

Et comme il faut vivre avec son temps, si vous souhaitez aider, c’est par ici : https://www.dmr.ch/campagne2024/

Florence Ramoni,

catéchète professionnelle

Une vie réussie, le bonheur

18 octobre 2024

Selon un sondage, les éléments les plus importants pour avoir une vie réussie sont : d’avoir une vie heureuse (75% de citations), d’avoir du temps libre pour profiter de la vie (45%) et d’avoir de vrais amis (39%). Des moments de bonheur, c’est quelque chose que tout le monde a envie de vivre dans l’absolu. Et pourtant, il suffit de se sentir coupable d’avoir fait quelque chose, ou justement de ne pas l’avoir fait, de craindre d’être jugé, ou chercher la perfection pour passer à côté de ces moments de bonheur. C’est certainement normal avec ce qui m’est arrivé. Avec ces moments compliqués que j’ai eu à gérer dans ma vie que je n’arrive plus à vivre le bonheur.

Parfois, après certaines blessures, nous pouvons avoir l’impression, qu’on ne mérite plus le bonheur. Oui justement, ce n’est pas ce qui s’est passé dans ma vie qui devait décider de mon bonheur, mais moi, qui devais faire ce qu’il faut pour être heureux. Le bonheur n’arrive pas par chance ou par magie, mais par ma volonté, parce que je laisse la place au bonheur de rentrer dans ma vie. Pour laisser ces blessures derrière soit, il faudrait peut-être s’excuser envers une personne qu’on a blessée, accepter qu’on ait fait de son mieux ou encore de penser différemment pour changer ses croyances sur soi-même.

Et si l’on arrive à ouvrir son cœur à ce qui nous entoure, alors nous prenons le risque d’avoir une vision différente de la vie. Vision qui nous permettra sûrement de voir le vrai bonheur autour de nous. Et pour cela, il ne suffit pas d’atteindre notre vie idéale pour être heureux, car personne ne pourra jamais atteindre une vie vraiment parfaite, mais de chercher à créer son bonheur dans toutes ces petites et belles choses du quotidien, telles qu’écouter une chanson pleine d’émotion, passer du bon temps avec ses proches ou entendre le chant des oiseaux.

Julien Neukomm, catéchète professionnel

Si on parlait de vérité

27 septembre 2024

« Qu’est-ce que c’est la vérité ? », demanda Pilate à Jésus lors de son procès. Qu’est-ce que c’est la vérité ? Il y a des vérités évidentes, comme le fait que 2 + 2 fasse 4. Il y a des vérités plus complexes, comme les vérités scientifiques, qui sont émise à partir d’hypothèses. Parfois il s’agit de vérités relatives, où deux propositions sont à la fois vraies et fausses, selon les points de vue. Il y a ensuite des vérités encore plus compliquées à déterminer, comme les vérités factuelles : « C’est vrai que l’église de Villeret a été construite entre 1936 et 1937 ? » Pour y répondre, il suffit de trouver des documents et leur datation et établir une certaine cohérence dans la narration et la réponse est trouvée au prix d’un certain travail. Il y a ensuite des vérités encore plus complexes, les vérités ultimes, celles dont Pilate parlait : quel est le sens de la vie ? Dieu existe-il ? Pourquoi sommes-nous en vie ? A part les vérités mathématiques simples, la recherche de la vérité est donc quelque chose de difficile à atteindre. On ne peut pas répondre aux questions ultimes par un discours simpliste. Il nous faut de la modestie et de la prudence. Jésus répond à Pilate qu’il est venu rendre témoignage à la vérité et ne répond  pas à la question « qu’est-ce que c’est la vérité ? ». Jésus refuse de donner une réponse autre que son témoignage. Ce qui est important est de vivre la vérité à sa suite, à la suite de l’évangile et ainsi être « vrais ». Cela devrait aussi nous rendre attentives et attentifs à toutes celles et ceux qui nous vendent des vérités toutes faites, sans réflexions, par hui dire, par ignorance. Des vérités factuelles fausses, jusqu’à une prétendue vérité sur les choses ultimes, ou la vraie compréhension de ceci ou de cela, y compris de la foi… Jésus nous dit simplement comment vivre, comment aimer, comment aborder la vie avec confiance, comment sentir une présence spirituelle vivante en nous. Nous devons nous en tenir là. A la question de Pilate, « qu’est-ce que c’est la vérité ? » il n’y a pas de réponse. A l’invitation de Jésus de porter témoignage à la vérité, il y a une réponse à donner : celle de notre vie !
 
Matteo Silvestrini, pasteur

Le Jeûne fédéral, c’est pas (que) de la tarte !

13 septembre 2024

 

Le Jeûne fédéral, c’est quoi ? Pas facile de savoir… On peut dire que c’est une fête religieuse. Mais on y fête quoi ? Déjà que tout le monde n’est plus forcément très sûr de ce qu’on fête à Noël ou à Pâques, alors au Jeûne…

 

Heureusement, il reste la tradition des tartes… pas à a crème non, des tartes aux pruneaux. Mais là encore, pourquoi la tarte aux pruneaux ? Parce que c’est la saison des pruneaux ? Juste, mais encore ?

 

Il n’y a pas si longtemps, on ne mangeait pas la tarte en guise de dessert d’un bon repas copieux, on ne mangeait que de la tarte au repas de midi. Se contenter du seul gâteau, on appelait ça jeûner justement.

 

Alors on y vient au jeûne, parce que ça aussi, dans notre société d’abondance, ça paraît bizarre. Jeûner, ne pas manger, manger peu ou manger moins, à quoi ça sert ? Et bien, je répondrais que ça sert à se rappeler que tout ne nous est pas dû, que c’est une chance, et peut-être même un cadeau, que de pouvoir manger à sa faim. Un cadeau de la nature qui nous offre ses fruits, un cadeau de nos semblables qui nous préparent le repas, et peut-être même un cadeau du ciel.

 

Mais il y a plus que cela encore dans cette fête du Jeûne fédéral. Ce jeûne, ce sont ceux qui nous ont précédés sur ce bout de terre qui s’appelle la Suisse qui l’ont introduit : il devait rappeler à chacune et à chacun (et sans doute plus à chacun qu’à chacune !) l’importance de la paix entre les cantons, après les guerres de religion. Et je trouve que c’est plus que symbolique que l’action choisie pour rappeler l’importance de la paix soit celle d’un jeûne.

 

Parce que jeûner, ce n’est pas facile. Ça demande un effort, ça peut faire mal. Exactement comme la recherche de la paix et de l’harmonie. Chercher la guerre, c’est tellement facile et habituel… mais chercher la paix, ça demande un effort, ça fait mal parfois. Et pourtant, c’est la seule manière de laisser une chance à nos prochains comme à notre monde.

 

Alain Wimmer, pasteur

 

 

La déambulation du chat

30 août 2024

Je passe d’un jardin à l’autre sans être dérangé ni chassé ! J’entre et je sors par une chatière à tout moment du jour et de la nuit.

Bienheureux chat est-il quand sa vie est ainsi faite !

Dans notre société occidentale, s’il est un être choyé, nourri et libre, c’est bien celui-là ! Quand, ma foi, il tombe sur des personnes très soucieuses de ne pas le perdre, il doit, rester, dans un appartement ou une maison pour entretenir la sérénité de ses maîtres.se.s. Quand il peut sortir, le chat ne s’en prive pas. Il lui arrive même d’avoir plusieurs prénoms, plusieurs maisons, plusieurs gamelles et ainsi plusieurs vies. Il reste cependant pour nous cet être délicieux, doux, charmant et câlin alors même qu’on peut le soupçonner d’avoir ce comportement ambigu avec nos voisins et quand nous sommes absent.e.s. C’est le cas, par exemple du chat des miens. Dès qu’ils s’en vont au-delà de 5 jours, nous le voyons « gratter » à notre porte et à notre fenêtre tel “le chat potté“ dans “Shrek“. Avec ces grands yeux, il est irrésistible. Irrésistible est, pour les amatrices et teurs de chats, le mot même qui désigne “chat“. Le vieux, le mal léché, celui qui traîne de ci, de là, le trop maigre, celui-là aussi nous le trouvons encore si chou !

Le chat offre une vaste réflexion sur la question de la liberté, ou plutôt notre attitude à son encontre offre de quoi philosopher sur la question de la liberté. Que faire ?

Laisser sortir cet individu au risque de le perdre ou pire, de le retrouver mort, ou lui permettre d’avoir une vie pleinement “miaouou“ en s’épanouissant et se prélassant sur nos routes chaudes et ensoleillées lors des douces soirées d’été ?

Chacun.e gère son chat, comme chacun.e gère sa liberté. Notre chère liberté.

 

En guise de conclusion et pour poursuivre la réflexion sur la liberté, voici ce texte de l’apôtre Paul retravaillé et imprimé et gravé par de nombreux, nombreuses catéchumènes du Vallon lors d’un certain camp Garamond. Certaines, certains parmi vous le reconnaitrons peut-être !

Paula Oppliger Mahfouf

Catéchète professionnelle

Quoi ? Déjà ?

D’un coup il était devant moi, incontournable et mordant : le temps matérialisé. Soudainement mes proches frôlaient des âges qui longtemps étaient restés des abstractions intellectuelles. Quoi ? Maman ? Tu es certaine d’avoir dépassé 80 ans ? Pourquoi ne me l’as-tu pas dit avant ! Comment ? Belle-maman, tu fêtes vos noces de palissandre. C’est du beau bois exotique, non ? Combien d’années de mariage, le palissandre ? 65 ans ! Félicitations !

Le temps matérialisé avait arrêté de se dissimuler dans la frénésie de mes quotidiens. Vous connaissez cela aussi, non ? Il y a tellement à penser. Facile de se laisser entraîner par la cadence des impératifs de nos journées qui se consument. Le temps. Pour quelle raison sa matérialisation provoque-t-elle un tel ébranlement ? Nous le savons, parce que notre temps personnel est limité, circonscrit à nos deux dates propres que sont celles de notre naissance et de notre mort. Certes, mais je n’ai guère envie de soliloquer sur l’existence humaine et sa finitude. J’aime vivre, je veux rester en vie, il faut rester en vie tant que l’on est vivant. N’est-ce pas le message de l’Évangile ? Avec tout son lot d’histoires, la Bible nous offre un apprentissage. L’apprentissage du bien vivre. A celles et ceux inconsolables face aux divers visages de la perte, la Bible raconte le détachement d’une part confiant et d’autre part collectif. Confiant en ce principe de vie qui échappe à toute spéculation et à toute conceptualisation, principe appelé Dieu pour les intimes de la foi. Collectif en ce sens où il nous regarde en humanité : en nous survivent nos disparu.es d’hier. Il faut « aimer l’autre, mon survivant » écrit P. Ricœur. In fine, notre consigne est simple, avant tout, aimer vivre pleinement jusqu’à la mort et ensuite croire en la force créatrice de l’héritage de cet amour. Il faut que le grain meure pour ne pas rester seul et pour porter beaucoup de fruit, nous enseigne l’évangéliste Jean.                                                 

Nadine Marschner, pasteure

Des copies imparfaites… et donc parfaites ?

L’autre jour je discutais avec un grand penseur. Il me disait que le monde est quand même impressionnant puisqu’il n’existe pas deux choses qui soient tout à fait identiques. Il me partageait à quel point l’humain, qui se croit bien souvent supérieur à la nature et capable de tout, n’est en réalité pas compétent en cette matière. En effet, ce que l’on prend avec fierté pour des copies parfaites n’est qu’illusion : même en utilisant une photocopieuse, nous ne pouvons enlever la particularité de chaque feuille, de chaque trait d’encre. Ici ou là, il y aura un petit défaut, une petite poussière, une petite spécification qui rendra la copie unique. Et si ces copies nous semblent véritablement identiques, c’est que notre œil n’est pas assez bon, tout simplement.

J’ai été frappée par cette pensée, à la fois simple et pourtant si profonde de ce penseur. Combien de fois passons-nous à côté des merveilles et des particularités des choses, et encore plus des personnes ? Il est si facile de se dire que chaque fleur se ressemble, que chaque brin d’herbe se ressemble. Que chaque humain se ressemble ! Ce grand penseur m’a renvoyée en quelques phrases à cette impression de tout maîtriser, alors qu’en réalité, les choses qui sont entre nos mains sont bien peu nombreuses. Et finalement, c’est aussi un soulagement de savoir que tout n’est pas de notre responsabilité, que le monde se porte à plusieurs et que… j’ai le droit d’être différent.e, puisque nous le sommes toutes et tous !

Que nous puissions vivre cette pause estivale avec cette conviction que chacun.e de nous est différent et que cela est une richesse !

Et encore merci à Adam, ce grand penseur qui m’inspire beaucoup, du haut de ses 7 ans.                                                      

Maëlle Bader, pasteure

L’été, une inspiration pour l’année

Il y a deux semaines, ma collègue Paula Oppliger-Mahfouf nous parlait, dans une plume malencontreusement signée de mon nom, du fait que nous ne pouvons pas tout contrôler. A l’approche de l’été, j’aimerais continuer cette pensée. Le temps de l’été est effectivement un temps où nous sommes toutes et tous plus enclins à lâcher un peu de contrôle. Et alors nous profitons d’accueillir. D’accueillir un temps partagé, autour d’une baignade, d’une grillade ou d’un apéritif sur une terrasse. D’accueillir des plans qui changent, des invitations spontanées. L’été, il semble que ce soit si facile d’accueillir ces moments « hors du temps ».

Et alors je me demande ce qui nous empêche de les accueillir le reste de l’année. Oui, il y a plus de travail, c’est bien souvent la course, entre les emplois du temps des un.e.s et des autres. Les engagements professionnels, bénévoles et associatif nous occupent et nous passons bien souvent de l’un à l’autre en courant, sans même prendre le temps de lever la tête pour voir ce qui se présente à nos yeux.

Il y a peu, nous parlions de l’histoire de l’arche de Noé, et nous sommes arrivés à la conclusion que lorsque nous voyons un arc-en-ciel, c’était peut-être aussi un signe pour nous rappeler qu’il n’est jamais impossible d’accueillir un peu de joie, un peu de légèreté.

Alors accueillons. Accueillons celles et ceux que nous rencontrons, que nous puissions partager peut-être un pique-nique, un café ou même ne serait-ce qu’un sourire. Profitons du temps privilégié pour laisser venir à nous ces instants si doux et bons. Je nous souhaite de pouvoir nous imprégner de cela et pouvoir l’emporter avec nous toute l’année.                                                                                                                

Maëlle Bader, pasteure

A la merci de ….

Plus rien ne semble hors de contrôle et tant mieux. Une planification des plus précises, nous permet de connaître et notre emploi du temps et les tâches à accomplir et comment utiliser l’espace autour de nous. Nos téléphones portables, nos ordinateurs, nos montres connectées nous donnent l’alarme des minutes passées, du dépassement de celles-ci et du moment où nous devons nous arrêter pour entreprendre d’autres activités ou faire une pause féconde.

Alors pourquoi sommes-nous à la merci de nos angoisses, de nos doutes, de nos déprimes, et de nos brûlures intérieures ?

Hommes et femmes modernes, nous avions décidés que les tourments de notre âme disparaîtraient pour laisser place à l’efficacité et même, peut-être, à la liberté. Mais voilà que, comme un raz-de-marée cette vulnérabilité qu’on croyait maîtrisée nous submerge au point de nous engloutir. Et Dieu n’y peut rien, ni même nos amours, ni nos enfants, ni nos parents. C’est seul.e, seul,e que nous sommes à la merci de…

A dix ans, j’avais un papa gai comme un pinson. Il aimait le jardin, la nature, les étangs et les grenouilles. Puis, je ne sais comment exactement, toutes les lumières se sont éteintes en lui. On m’a dit le mot “dépression“ et pendant presque deux ans je l’ai vu déambuler en pyjama dans notre appartement. J’avais perdus mes talents de clown, je n’arrivais plus à le faire rire. Et puis, après un certain temps, il ne fut plus à la merci de son mal. La lumière est revenue à tous les étages, ou presque, car je sentais qu’une faille s’était installée en lui.

Le temps qui passe nous guérit. Le temps nous sauve parfois, merci à lui. Les cicatrices restent à l’intérieur comme à l’extérieur. Prêtons-y attention, ne les oublions pas, ne les ignorons pas. Elles sont à considérer pour apprendre et comprendre qui nous sommes. Ce que nous sommes  avec nos faiblesses, nos fragilités et elles nous rendent plus fort.e.s.

 

Elles nous apprennent la vie, celle dans laquelle nous sommes ici et maintenant. 

Paula-Oppliger-Mahfouf, catéchète professionnelle

Comme un arbre dans la vie…

Se reconnecter à la nature est devenu à la mode… et c’est rudement bien ! Se rendre compte que nous les humains, nous ne sommes pas une espèce hors sol, mais que nous faisons partie de la nature, que nous en dépendons, et sans doute plus qu’elle ne dépend de nous, même si nous la maltraitons. Oui, vraiment c’est bien !

Au hit-parade de cette reconnexion, se trouvent les arbres. Les arbres dont on (re-) découvre à quel point leur existence est riche et complexe. On est invité à les approcher, à s’y promener, à s’y adosser pour vivre en pleine conscience, par exemple… Mais oui, pourquoi pas ?

Du coup, les arbres deviennent en un sens « des maîtres de vie ». Et là encore, pourquoi pas ? D’ailleurs Jésus déjà, il y a si longtemps, invitait les personnes qui le suivaient à s’inspirer de la nature, à apprendre des fleurs des champs et des oiseaux du ciel (voir l’évangile de Matthieu, chp 6,25s).

Mais justement, je me demande si nous sommes vraiment prêts à apprendre quelque chose des arbres… vraiment prêts à suivre « leurs conseils de vie »…

L’autre jour, j’entendais à la radio que les anciens téléphones portables redevenaient à la mode, les téléphones tout simples, qui ne font que téléphoner. Génial ! Seulement le journaliste a tout de suite précisé que ce n’était que comme 2e téléphone supplémentaire qu’ils redevenaient la mode : le téléphone de quand on veut se mettre au vert…

Ces jours, les arbres peuvent enchanter les yeux de celles ou ceux qui les regardent, avec le mai qui est monté sur les flancs de nos montagnes, ces couleurs de fraicheur et de vie qui remplissent l’horizon de nos vallées. Mais pour que ces feuilles vertes redonnent vie à nos forêts, il a fallu que les arbres acceptent de les perdre à l’automne !..

Sommes-nous vraiment prêts à apprendre des arbres ? Prêts à accepter de perdre quelque chose pour que puisse naître un peu plus de vie ?

Alain Wimmer, pasteure

Le jour se lève encore

Nous venons de vivre la fête de Pâques. Un temps de rassemblement, de rencontres et de partages. Plusieurs fois on m’a demandé si je croyais encore à la résurrection. Je crois que peut-être ces grands mots théologiques ne nous disent plus grand-chose aujourd’hui. Ils sont devenus abstraits, attachés à une tradition dont beaucoup se distancent. Et une fois distancé, ces mots effraient, font peur… on ne sait plus à quoi ils font allusion !

J’ai aimé la thématique que nous avons choisie cette année pour Pâques : « Le jour se lève encore ». Quelque chose de bien plus concret, de visuel, de parlant pour nos journées de tous les jours. Car oui nous avons besoin d’espoirs, de joies et de lumières. Pâques en est une marque. Que nous fêtions cette période avec des cantiques, des chocolats, des œufs ou des vacances au soleil, ces jours sont une source de bonheur pour nous toutes et tous.

Dans un monde en souffrances, tiraillé de partout entre conflits, inégalités, injustices et angoisses pour l’avenir, se souvenir que le jour se lève est si précieux. C’est une phrase brève, simple, qui nous invite à relever la tête et nous engager, car oui, il y aura un demain. Alors entrons en mouvement et participons à ce que ce demain soit le plus beau possible pour chacun.e.x.

Profitons de ce souffle de bonheur du weekend de Pâques, de ce soleil qui prend de plus en plus de place dans les heures de notre journée et que tout cela puisse nous porter durant de nombreuses semaines !

 

Et pour la route, encore une petite fois : Joyeuses Pâques ! 

Maëlle Bader, pasteure

Un printemps hésitant

Un coup de chaud, un coup de froid, un vent chaud puis de nouveau un froid. Voici une météo hésitante. Dans ces hésitations, il n’est pas facile de se situer. C’est vrai, à la fin de l’hiver, bon nombre d’entre nous souhaiteraient un printemps franc, qui prenne place et nous permette de nous installer lire au jardin, de faire des grillades et de boire un café ou un mojito sur une terrasse. Un printemps franc, qui nous invite aux renouvellements, à un élan de vie nouveau. Ce temps hésitant nous oblige à nous questionner chaque matin… A repenser nos projets, à nous inquiéter pour nos jardins. Et puis il tape sur le moral de celles et ceux qui ont besoin de chaud et de soleil.

Comme j’aime chercher le positif dans ce que j’observe, je me dis que peut-être que ce printemps hésitant nous rappelle que tout n’est pas donné. Que tout ne va pas de soi. Parfois il nous faut chercher avec confiance le rayon de soleil, qui n’apparaitra que quelques minutes, mais qui pourra nous réconforter pendant bien des heures si nous savons l’attraper et l’apprécier.

Dans un monde où règnent le conflit, les inégalités, les inquiétudes pour le climat, il n’est pas toujours aisé de voir un rayon de soleil. Pourtant ils sont là. Des bribes de paix, d’espérances, qui sont souvent des petits gestes qui pourraient paraître anodins mais qui dans une situation particulière, sont source de réconfort et d’encouragement.

Ce printemps hésitant est peut-être à notre image d’humain, hésitant à agir, ne sachant pas trop comment faire pour briller. Eh bien je vous partage ma pensée : ne tentons pas d’être un printemps franc, cherchons simplement dans nos vies les petits rayons de soleil. Ce sont ceux-là qui nous font tenir la barre ! Et qui sait, peut-être même que nous pouvons nous-même être le rayon de soleil de quelqu’un...

 

Levons les yeux, il y a toujours une merveille à saisir quelque part !

Maëlle Bader, pasteure

Simon ! ou la mémoire perdue

Connaissez-vous ce jeu des années 80 ? Le Simon. Je me souviens lorsque j’ai reçu en cadeau ce jeu insolite. Rond, en plastique. De la taille d’un ballon de basket. Léger. Comment jouer à ce jeu au nom si inédit : Simon. J’ai lu les règles du jeu, succinctes. Simon se joue à un ou plusieurs joueurs. Muni de quatre grandes touches qui ressemblent à des parallélépipèdes rectangles légèrement arrondis. Au centre des touches ; un bouton « on-off » ; une touche rouge pour lancer le jeu ; deux touches jaunes, une « last », l’autre « longest » ; un curseur de 1 à 4 intitulé « game level » ; et enfin un autre curseur de 1 à 3 portant le nom de « game ».

Pour fonctionner des piles étaient nécessaires. Empressée je les enfilai dans mon nouveau compagnon tout rond. Et la magie opéra ! Il chantait et s’allumait. Pour être plus exacte, il émettait de sons, des tonalités. Chacune des quatre touches avait un son propre. Le principe du jeu est simple. Simon commence à allumer une de ses couleurs, vous devez répéter cette couleur. A la première, il en ajoute une deuxième, à nous de reproduire fidèlement les deux sons. Ainsi de suite, jusqu’à trente-deux sons, séquence ultime où vous avez gagné. Je me souviens que le son pouvait être retiré, ce qui m’a valu des nuits quasiment blanches à jouer au Simon. Le jeu est ardu. Après environ six couleurs, le rythme s’accélère pour sauvagement s’endiabler au-delà d’une séquence de dix. Dans les années 80, j’étais une adolescente. Il n’y avait pas de téléphone portable, ni d’ordinateur. Je savais par cœur les numéros de téléphone de mes ami.es. J’étais fière de pouvoir réciter la liste des verbes irréguliers en anglais. Je me débrouillai bien en calcul mental.  Au Simon, régulièrement, j’atteignais le Graal, je décrochais la séquence finale.  J’ai rejoué hier au Simon … on-line. Score : dix-neuf. Où est ma mémoire ?  )- :

Nadine Manson, pasteure

 

Une histoire changeante

Notre vie est faite de changements. Le monde autour de nous, l’écosystème dans lequel nous évoluons. Mais surtout, nous changeons. Au gré ou malgré nos expériences de vies, avec le temps qui passe, nous nous métamorphosons. De l’enfant à l’adolescent, de l’adolescent à l’adulte, de l’adule à la personne âgée, le temps inexorablement nous transforme. Le philosophe Paul Ricoeur se demandait ce qui fait que malgré tous ces changements dans nos vies, quelque chose de nous reste nous-même ?  Qu’est-ce qui fait qu’entre le bébé que j’étais il y a des années et l’adulte que je suis aujourd’hui, je me reconnaisse comme une et même personne ? La réponse du philosophe dira qu’au fond ne nous sommes jamais les mêmes car la vie nous transforme. Maladies, deuils, évolutions, nouvelles responsabilités, la vie elle-même nous rend différent de celui ou celle que nous étions il y a 10 minutes, 3 jours ou 30 ans. Mais quelque chose demeure : c’est notre histoire, même la capacité de relier entre eux ces différents changements dans un continuum narratif qui relie chaque étape de notre identité et déroule ainsi le fil de notre vie pour créer une histoire, notre histoire.

Les changements de la vie sont des étapes difficiles. Et c’est souvent dans les larmes et la douleur que nous nous transformons. Nous prenons actes, dans tout changement, de ce que nous avons perdu, qu’au fond nous ne sommes plus les mêmes. Et cela coûte de ne plus être le même, pour nous qui aimons tant la stabilité et tenons en horreur toute modification de planning préétabli.

Lorsqu’un événement soudain vient bousculer notre quotidien et nous invite au changement, il s’agira pour nous de repérer ce qui, dans cette transformation, est une opportunité, voir non pas seulement ce que nous perdons, mais voir aussi là où nous pouvons gagner. Pour réussir à faire entrer tous ces changements dans notre histoire, pour les apprivoiser et réussir à se dire que « c’est moi », cette histoire tissée avec les fils du bien et du mal, du triste et du joyeux. C’est moi, mon histoire.

La semaine passée, nous étions accompagnés par le texte biblique de la transfiguration dans l’évangile de Marc, un classique de la période du carême où il s’agit de relire des textes fondateurs du ministère terrestre de Jésus. Un texte qui nous parle justement de changement, de profonde métamorphose. Dieu change, nous changeons, cela fait des histoires à raconter.                                                                                                                  

Macaire Gallopin, pasteur

Manger ! Et vous, qu’est-ce qui vous nourrit ?

Après Dry January (sans alcool), nous voici maintenant à la fois dans Fairbruary (qui nous invite à consommer équitable) et dans le temps de carême, avec les semaines de jeûne ou selon les pratiques plus ou moins de privations. Avec des catéchumènes, nous avons préparés, l’autre jour, des boules d’énergie : des snacks pour se donner de la force, avec des produits sains, bios, relativement locaux et qui font du bien à notre corps…mais est-ce suffisant à nous convaincre de les consommer ? Surtout si l’on apprécie moyennement le goût ou la consistance. Que mangeons-nous ? pourquoi et comment ? Entre manger pour vivre et vivre pour manger, manger est-il devenu un acte militant ? Une mode à suivre ? C’est bien sûr toujours un besoin essentiel, vital et quotidien. Et ce n’est qu’en période de crise ici ou ailleurs qu’on s’en rend vraiment compte. C’est aussi bien plus que cela, dès que l’on a le choix, les moyens ou la volonté du choix : local ou non, bio ou non, le moins cher ou non, sainement ou non et est-ce que c’est bon ? Manger c’est à la fois, se sustenter et mettre des priorités. Que ce soit pour ses convictions, pour sa santé, pour son mode de vie de l’ascèse à l’abondance, selon les envies et les possibilités d’investir dans sa nourriture, de soutenir les agricultrices et agriculteurs (sans lesquel·les il n’y aurait d’ailleurs rien à manger ou si peu, qu’iels soient ici remercié·es). Et est-ce que ça nourrit ? Pas seulement métaboliquement, mais dans tout son être. Les personnes qui font des jeûnes pour des raisons médicales ou religieuses, parlent souvent d’une expérience et des bienfaits physiques ou métaphysiques que leur apporte le fait de jeûner. Pour les amatrices et amateurs de haute gastronomie, la nourriture principale est le plaisir, la recherche des saveurs, d’originalité des produits, de contrastes. Et il y a tellement d’autres choses, qui peuvent nous nourrir, chacun, chacune selon nos besoins et nos intérêts, sans ingestion. Impossible de les énumérer de manière exhaustive sans frôler l’indigestion.

Pour ces prochains jours, je nous souhaite de concocter un menu qui nous plaît, nous fait envie et nous nourrit dans tous les sens du terme et l’envie de le partager !

 

Bon appétit. 

Florence Ramoni, catéchète professionnelle et illustratrice de cette plume

Deux fois par jour…

T’as brossé les dents ? T’as lavé les mains ? T’as fait tes devoirs ? Vous avez pris vos médicaments?

Il y a des choses qu’on nous apprend dans la vie et on les intègre, avec plus ou moins de plaisir, dans le déroulement des gestes de tous les jours. Ils disent que c’est utile ou bon pour la santé. Parfois elles sont oubliées, nous avons tellement à faire, tellement de distractions, mais en général, on s’y tient.

J’ai l’audace de vous en proposer une supplémentaire, bonne pour la vie intérieure. Si je suis franc, c’est ma mère qui me l’a apprise, elle s’est assise tous les soirs dans notre chambre su le bord d’un des lits et, après avoir parlé un peu de la journée, nous chantions et faisions une prière. Quand elle était absente, c’est papa qui était là pour la remplacer. Enfant, ce moment n’avait rien de particulier, puisqu’il se répétait tous les soirs. Aujourd’hui, quand j’y pense, j’ai beaucoup de reconnaissance pour ce geste simple.

Il y a bien sûr eu des années agitées où cette habitude s’est perdue et elle a, à d’autres périodes changé sa forme. Mais commencer et clore la journée avec un beau texte, un échange cordial, une mélodie bienfaisante, une réflexion courageuse ou osée, un tableau réconfortant, c’est salutaire. Alors il m’arrive de me demander : Tu t’es pris le temps ?

Quand je n’ai pas d’autre texte, il y en a un qui marche toujours, on l’attribue à François d’Assise et je vous l’offre volontiers s’il peut vous servir aussi :

 

Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix.
Là où il y a de la haine, que je mette l’amour.
Là où il y a l’offense, que je mette le pardon.
Là où il y a la discorde, que je mette l’union.
Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité.
Là où il y a le doute, que je mette la foi.
Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance.
Là où il y a les ténèbres, que je mette votre lumière.
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Ô Maître, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler,
à être compris qu’à comprendre,
à être aimé qu’à aimer,
car c’est en donnant qu’on reçoit,
c’est en s’oubliant qu’on trouve,
c’est en pardonnant qu’on est pardonné,
c’est en mourant qu’on ressuscite à l’éternelle vie.

 

Eric Geiser, pasteur

Hymne au beau

Ce qui sort de cet écrit est le fruit de nombreuses discussions et de l’écoute de ce que les autres racontent. Suite à cela mes émotions vibrent, mes réflexions se mettent en route, et enfin, cet écrit émerge.

Aujourd’hui je le veux autour « du beau ». Autour du regard qui cerne, définie, et adore ce beau. Autour de l’oreille qui entend, distingue, discerne précisément et jubile de ce son. Autour de nous, LE BEAU EST.

Et comme dit Mariel Mazocco, philosophe et enseignante à l’Université de Genève : « tout est en toi, le beau est en toi et TU ES LE BEAU ». Si notre regard est flouté c’est difficile de le voir, de l’entendre, de le sentir. Flouté signifie : « rendu flou, indistinct pour le regard et dans la mémoire. Méconnaissable ». Flouté, ou crypté par le trop plein de soucis, par la lassitude de la vie, par nos voix et nos incessants autodialogues internes, et le beau cesse d’exister. Ce que j’écris là est faux puisque le beau est. Il n’a nul besoin de nous pour prouver son existence mais c’est parce qu’on le voit, le ressent, l’entend qu’il existe. C’est un paradoxe, ce qu’on peut appeler une contradiction logique qui me réjouit. Car me dire que c’est à travers mon regard que je vais faire naitre et vivre le beau c’est réjouissant. Ainsi chacun, chacune de nous peut, en tant qu’humain ou comme un magicien, comme une fée, faire advenir le beau dans sa vie ou dans la vie des autres. Qu’y a t’il de plus important que cela ? Certainement manger, dormir, vivre sous un toit, avoir de l’amour à donner et à prendre, et le beau survient. Cela étant réalisé, qu’y a t’il de plus important que le beau ? Le travail peut-être dans lequel le beau se loge quand on aime le faire dans cet esprit et qu’on a appris à le reconnaître là. Et de manière plus simple, le beau comme nourriture spirituelle pour espérer, croire, avancer et nous relever. Le beau comme combat contre ce qui nous éclabousse, nous salit, nous déshumanise et nous rend acide, mauvais, violent, pédant et déshumanisant. Albert Jacquard le célèbre généticien va même plus loin et dit que LE BEAU EST EN TOUT. Là aussi j’abonde en son sens. J’aime faire cet exercice de rechercher le beau partout. Pour me narguer, mes enfants m’avaient montré l’image du blobfish, un poisson abyssal. Et là c’est vrai que ma théorie sur le beau a été mise à rude épreuve. Et pourtant je lui laisse le bénéfice du doute. Je ne l’ai jamais vu se mouvoir ou nager, émettre des sons et je n’ai jamais caressé sa peau.

 

 

Paula Oppliger-Mahfouf, catéchète professionnelle

 


Giboulées … au propre et au figuré.

Le mois de mars et ses giboulées, si la météo nous en a offertes en vrai encore tout récemment, vous est-il déjà arrivé des giboulées au figuré ? Je m’explique : vous est-il déjà arrivé d’avoir des idées, des pensées qui s’entremêlent, qui passent de la pluie au beau temps, de la neige au soleil en quelques minutes ? C’est un peu ce qui m’est arrivé au moment de réfléchir à cette chronique avec des idées et des sujets qui sautent du coq à l’âne.

Des « giboulées », c’est aussi ce que nous avons vécu avec quelques catéchumènes lors de l’atelier 9H de samedi passé. Sous la conduite de Thibaut Cudré-Mauroux (un jeune artiste de notre région, thibautdmx.ch), nous avons eu la chance de vivre une expérience assez prenante : coucher en peinture sur une toile notre « moi » du moment, notre ressenti, notre météo intérieure. Premier exercice déjà intéressant en soi. Ensuite, nous a demandé d’y inclure un élément « négatif », voici une première giboulée… à voir ce qu’on en fait par la suite, comment on « cadre » ce négatif puis de réfléchir plus largement à quelque chose qui a jalonné notre journée, comme un retour à un temps plus clément. Nouvelle giboulée, nous avons fait intervenir un élément hasardeux, de « liberté » les yeux fermés, plus ou moins contrôlée, car si on peut choisir les couleurs que l’on souhaite mettre dans sa vie, on ne sait pas toujours quel mélange de teinte cela va donner. L’appropriation finale de l’œuvre créée nous a permis un retour à une météo plus douce. En deux-trois heures, nous avons vécu, cadrées avec bienveillance, des giboulées artistiques.

 

Qu’en est-il lorsque ces giboulées arrivent dans nos vies, comment sommes-nous touchés ? Par les petits ou grands malheurs qui surviennent dans nos vies ou qui arrivent à nos proches, aux personnes autour de nous ? Ces réflexions ont fait écho en moi à une discussion de la veille de l’atelier avec une paroissienne confrontée aux aléas de la vie, du monde et des répercussions sur sa propre vie. Ensemble nous avons cherché le temps d’une visite comment « cadrer » ces giboulées, comment les traverser ou les laisser passer, se rassurer, revoir l’éclaircie et le soleil. Nous avons discuté, pleuré, partagé, chanté, prié et finalement ri, nous avons simplement pris du temps.

 

Pour cette fin mars, je nous souhaite du temps pour vivre les giboulées vraies ou figurées et pouvoir aussi mettre des couleurs dans nos vies et nous réjouir du printemps qui arrive.

 

Florence Ramoni, catéchète professionnelle et illustratrice de cette plume


Et toi, qu'en penses-tu?

Cette question banale peut nous ouvrir tout un monde. D’abord, c’est quoi « penser » ? Dans certains cas, c’est juste reproduire un avis repris par tradition ou par habitude. Je pense que les pommes de notre jardin sont les meilleures, on me l’a toujours dit.

Les philosophes nous enseigneront que penser, c’est plus que ça. Là, on pourrait écrire tout un livre, une plume ne suffit pas. Mais essayez de vous assoir un instant et de définir pour vous-même ce qui se passe quand vous pensez… Suis-je ce que je pense, puis-je penser ce que je suis ou est-ce que je pense, donc je suis, comme disait l’autre ?

Après le grand Kant en Allemagne et dans l’élan de l’ambiance romantique, les thèmes favoris de ses successeurs tournaient souvent autour de la subjectivité, du moi et de sa définition et sa place dans le monde ou face à l’absolu. Je vais citer un auteur que je trouve admirable parce qu’il aborde la question de façon tout à fait différente.

Martin Buber (1878-1965) était un érudit de la tradition juive. Une de ses phrases qu’on, peut entendre comme une antithèse à une légion de démarches philosophiques se traduirait par : « Toute vraie vie est rencontre » (Alles wahre Leben ist Begegnung) La pensée, la définition de la vie, ne part pas du sujet, mais de ce qui se passe quand elle est partagée. Quand j’ai lu ça, j’ai trouvé qu’il disait tellement vrai, et que je regrettais de n’y pas avoir pensé plus tôt.

Dans une autre histoire des récits hassidiques qu’il nous a offerts, il rapporte une parole du rabbin Sussja : « Au dernier jugement, le Tout-Puissant ne me demandera pas, pourquoi n’étais-tu pas comme Moïse, mais pourquoi n’étais-tu pas Sussja. »

Après avoir défini la pensée, je vous suggère un peu de lecture de cet auteur pour vous détendre.

Eric Geiser, pasteur


Construire sur le roc quand tout semble sable

« L’homme avisé bâtit sur le roc, l’homme insensé bâtit sur le sable. Lorsque la tempête vient, on voit pourquoi il fallait bâtir sur le roc » c’est la version très résumée d’une histoire que Jésus raconte dans l’évangile de Matthieu. Difficile pour moi de ne pas y penser à la suite du violent séisme qui a frappé la Turquie et la Syrie.

Je me demande comment ces hommes, ces femmes, ces enfants, font face dans cette situation dramatique. Je remarque qu’en plein choc, la tristesse, la colère et l’abattement sont bien là, et que la solidarité n’est de loin pas absente. Solidarité locale, où toutes les communautés se mobilisent pour sauver des personnes et aider celles qui n’ont plus rien. Solidarité internationale, avec l’envoi d’équipes de secours et la mise en place de soutiens financiers.

Si les bâtiments n’étaient pas construits pour durer, la solidarité, surtout locale montre bien que c’est la vie, l’existence qui doit être solidement ancrée. Je reviens au texte biblique. Il ne promet pas que tout ira bien éternellement, mais il affirme que dans l’épreuve, ce qui compte tiendra bon, malgré les dégâts et les pertes.

Si les personnes touchées par cette catastrophe naturelle n’ont plus rien, si elles ont perdu des proches et ne savent pas de quoi demain sera fait, elles ne sont pas sans espoir. Parce que d’autres personnes manifestent de l’empathie envers elles, parce que malgré toute la noirceur de notre monde, dans les temps d’épreuve, la force des liens humains se révèle. Nous découvrons alors que les fondations sont plus solides qu’il n’y paraît, que là où nous penserions trouver du sable, se trouve le roc. Nous pouvons dès lors montrer de la gratitude pour ce qu’il y a de beau dans la communauté des humains et nous engager à notre niveau pour le manifester, l’utiliser pour construire sur le roc.

David Kneubühler, pasteur


Les papes et nous!

Fin décembre 2022 est mort Benoît XVI premier de l’histoire moderne à quitter volontairement sa charge, en 2013. Et alors me demanderez-vous, en quoi cela nous regarde-t-il ?

Un jour dans le sud de la France, une de mes paroissiennes, enseignante à l’université de Toulouse ,s’exclamait d’une voix horripilée lors des assemblées de paroisse, en frappant plusieurs fois son élégante canne sur le sol avec agacement : « Mais on en a rien à foutre du pape ! ». Parce qu’une personne avait fait allusion à l’état de santé du pape de l’époque.

Oui, je la rejoins. Ce ne sont pas nos affaires d’autant plus que leur manière de vivre l’Eglise – ecclésiologie – et la théologie qui sous-tend leur thèse est propre au catholicisme romain et qu’à ce titre, nous, les réformés n’avons naturellement pas voix au chapitre.

Mais je formerai personnellement une exception. Benoît XVI. Ce théologien qui a mis fin aux limbes. C’était en 2007, c’est complètement passé inaperçu pour le vulgus pecum. Moi, qui de coutume ne me penche jamais sur les bulles papales – le courrier officiel des papes – cette fois-là, j’ai jubilé ! Pourquoi ? J’ai toujours été outrée de ces conceptions post-mortem de l’Eglise catholique. Un paradis, des limbes, un purgatoire, en enfer. Mais qu’en savent-ils ? Ce type d’affirmation dessert le christianisme dans son entièreté. Ces idées font fuir les gens. Et font perdre à la foi chrétienne toute son acuité. Je crois que nous ne savons pas ce qu’il se passe après la mort, mais j’espère fermement en Dieu, l’Eternel qui m’accueillera dans cet inconnu indescriptible. Mettre fin aux limbes c’était à mes yeux reconnaître un peu de l’inanité de cette conception en étage (enfer/purgatoire/limbes/paradis). De surcroît, je trouvais vicieux cette répartition distribuée en échelon. Ainsi les personnes du Paradis avaient vue sur le Purgatoire et l’Enfer et les limbes, ce qui leur permettait de jouir plus encore de leur félicité. Tirer sa béatitude du malheur des autres, c’est scandaleux ! Et cela n’a rien à voir avec le message évangélique.  Les limbes, concept qui ne se trouve nulle part dans la Bible, est apparu au XIIème siècle. Il affirme que les âmes des enfants non baptisés iraient y séjourner. Sans être dans les béatitudes du paradis, cependant ces âmes ne souffriraient pas comme en enfer et au purgatoire. Je les imagine flottant sans rien sentir dans un vide infini. Alors pour une fois, merci à un pape d’avoir abrogé une telle fadaise.

 

Nadine Manson, pasteure


Belles relations

Dernièrement, j’ai eu la remarque d’un enfant sur le fait qu’il ne se sentait pas vraiment écouté par la majorité des adultes qu’il côtoyait. Cela m’a interpellé et je me suis posé la question sur le rôle, l’importance mais aussi les limites d’être à l’écoute de son prochain, enfants comme adultes.

Je suis fondamentalement convaincu que l’homme au sens large est conçu pour vivre à plusieurs, au moins pour certaines facettes de sa vie. Si l’on se retrouve à être toujours ou presque toujours seul, on risque « de vivre sa vie par procuration devant son poste de télévision » pour reprendre les paroles de Goldmann.

Certaines fois, nous communiquons sur des sujets très factuels, ordinaires, sans originalité et sans parler de soi. Mais cette vie-là, je la trouve sans saveur, sans intérêt et ce n’est surement pas comme ça que l’on peut être le « sel de la terre ».

Créer une relation, c’est d’abord écouter. Et que faut-il pour avoir une bonne écoute ? Il semble que 30% de ce que l’on communique passe par le verbal et 70% par le non verbal. Il faut déjà passer du temps ensemble.  Il est aussi plus facile d’entendre seulement ce qui correspond à notre système de croyance, car cela rassure, mais ça ne permet pas de comprendre vraiment le monde de l’autre. Et d’ailleurs, cela n’implique pas d’être d’accord avec, mais au moins de l’entendre avec empathie.

Cependant on ne peut pas être disponible et à l’écoute tout le temps, car nous n’avons pas toujours l’envie ou l’énergie pour cela. Il faut déjà commencer par être à l’écoute de soi, ce dont moi j’ai besoin pour être bien (et c’est parfois d’être écouté par d’autres). Jésus nous dit qu’il faut aimer ses prochains comme soi-même. On pourrait penser que ce texte a comme unique but de nous demander de faire l’effort d’aimer les autres. Cependant, il ne demande pas d’aimer les autres plus que soi-même, mais de manière équivalente. Et s’aimer soi-même, ça commence par se découvrir, s’écouter, écouter nos propres envies et besoins et s’accorder du temps pour soi.

Et une fois que nous sommes nous-mêmes bien dans notre peau et remplis d’énergie, nous pouvons partager notre monde, nous mettre à l’écoute du monde de l’autre et faire évoluer de belles relations.

J’aimerais ainsi vous souhaiter de créer et de vivre de belles amitiés en 2023.

Julien Neukomm, catéchète professionnel.


Noël avec modération

La symbolique qui entoure Noël dans notre société est devenue marchande. Toutes les vitrines des grandes enseignes débordent d’imagination pour que nous mettions la main au porte-monnaie. La valeur marchande de Noël permet souvent aux entreprises de réaliser un quart de leur vente annuelle. Bibelots en tous genres, friandises à gogos, décorations aussi kitchs les unes que les autres, … c’est comme si plus on consomme, plus Noël a de sens. On nous fait croire que nous avons absolument besoin de ce super aspirateur sans fil. Et nous, pauvres fous, nous le croyons. Ainsi va l’offre et la demande. Ainsi fonctionne notre monde à la période de Noël.

 

Mais cette année, nous sommes appelés à faire des économies. Moins chauffer, moins consommer d’électricité pour qu’il y en aie pour tout le monde. Arriverons-nous aussi à être plus sobres dans nos dépenses en cadeaux pour Noël?

 

Le principe du « secret Santa » par exemple, pratiqué dans de nombreuses familles, permet de sacrés économies et d’être un poil plus responsable face à notre planète. On choisi au hasard une personne de notre famille, un budget, et le tour est joué. Et nous-même recevrons aussi un cadeau, certes unique, mais qui aura été élaboré et préparé avec soin. C’est plus facile d’acheter un cadeau plutôt que dix pour on ne sait pas trop qui.

 

Une autre alternative pour nous rendre plus responsable face à la crise est de soutenir les petits artisans qui regorgent dans notre région. Par leurs créativités et leurs passions, ils sauront vous aiguiller vers de magnifiques présents. Pensez-y aussi pour vos repas de Noël, les produits régionaux sont excellents.

 

Nous pouvons aussi nous rappeler que l’histoire de Noël naît dans une humble étable, dans le dénuement complet de la condition humaine. Un peu de paille pour se réchauffer, peut-être une petite flamme pour éclairer cette famille. Et cela a suffit à illuminer le monde jusqu’à nous aujourd’hui. Oui, les belles choses sont souvent nichées au coeur des plus simples.

 

Joyeuses fêtes de Noël, et avec modération!

Macaire Gallopin, pasteur


Le sérieux qui écrase

Les automobilistes, ça se concentre sur la route. Ça conduit comme il faut, devant soi, sans regarder ni à gauche ni à droite.

Quand j’ai vu cette personne si sympathique dans sa voiture, je lui ai fait des signes, une main encore sur le guidon et l’autre agitée pour la saluer et un large sourire. Elle ne m’a pas vue. Elle est passée à côté de moi sans comprendre mon amicale intention, tout en captant quand même que l’autre en face s’agitait. Le sérieux écrase. Un peu chaque jour et à force, beaucoup. On l’allie au travail bien fait, au protocole, au cérémonial, à toutes les relations avec des tiers ou même avec des proches. Je n’y crois pas. Dieu est humour.

De cet humour qui offre au corps le bien-être du rire, franc, sans arrières pensées, qui détend. De cet humour qui offre au cœur, chaleur et envie de poursuivre son chemin. Fantaisie, objectivité et subjectivité en même temps et jeu. Alors c’est enfantin ? Exactement. L’humour vient de « l’enfant libre » dirait l’analyse transactionnelle. Une manière subtile d’être, de quoi offrir à l’autre du jeu et pour faire advenir son rire et son humour en retour. Etre fantaisiste, drôle, imaginatif, aimer faire rire et aimer quand ça se détend, est une affaire sérieuse. Elle requiert pour celle ou celui qui pratique ce « sport » de garder la forme, le moral et l’esprit de l’enfance devant une morosité permanente et de chaque instant. Elle demande à son sujet de refuser de vieillir au sens figuré du terme. Il s’agit aussi de faire preuve de recul et d’autocritique et il me semble que ces deux aspects sont fondamentaux pour aspirer à mieux vivre. C’est pourquoi je vous encourage à pratiquer l’autodérision, l’autocritique et l’analyse avec recul, bienveillance et méthodologie de situations de vécues difficiles. C’est scabreux, certes mais possible. Choyer l’esprit de l’enfance qui n’ignore rien de ce qui semble impossible à réaliser, qui ne s’arrête pas à « on a toujours fait comme ça et on voit pas pourquoi ce serait autrement ».

Il paraît qu’une fois qu’il est né cet enfant, tout fut différent. Que même les planètes et le cosmos se sont accordés pour lui offrir une étoile qui étincelle encore aujourd’hui. Il paraît qu’il a élevé les humbles et remis à leur juste place les orgueilleux. Il paraît qu’il a changé la face du monde. Bonnes fêtes à chacune, à chacun.  


Paula Oppliger Mahfouf, catéchète professionnelle


Motivation

Chaque jour, il y a un grand nombre de choses que nous devons faire. Se lever tôt, laver la vaisselle, faire le ménage, gérer des questions administratives et j’en oublie encore beaucoup. Je suis convaincu que vous avez aussi votre propre liste. On pourrait même arriver à la conclusion que la vie est quelque chose que l’on subit, mais que peut-être plus tard, ça ira mieux.

J’aimerais cependant vous partager une réflexion inspirée du livre « les mots sont des fenêtres » de Marshall B. Rosenberg. Elle m’a permis d’arriver à la conclusion qu’il n’y a quasiment rien que nous devons faire dans la vie, si ce n’est mourir ou respirer.

Pour le reste, c’est plutôt une question de choix. Je choisis par exemple de me lever tôt parce que j’ai envie d’organiser des activités intéressantes de catéchisme ou encore d’accompagner les jeunes de mon équipe d’unihockey à un tournoi. Je choisis de faire le ménage car je peux ensuite apprécier de vivre dans un appartement propre. Mais quelles sont donc ces éléments qui motivent nos actions ?

L’argent : il est nécessaire pour vivre, surtout si nous ne faisons pas le choix d’être sans abri. Je ne crois cependant pas qu’il doive motiver toutes nos actions. Chacun pourra définir l’argent qui lui est nécessaire, mais peut-être que tout n’est pas nécessaire ou que le travail pourrait devenir un choix plutôt qu’une obligation ?

 L’approbation des autres : déjà entrainés à l’école par les notes et les évaluations des enseignants, nous avons tous appris à s’inquiéter des jugements que les autres nous portent. Parfois, cela peut être utile pour savoir ce que nos actions provoquent sur les autres. Et souvent, nous voulons être un « bon employé », un « bon copain » ou un « bon parent ».

On peut aussi choisir certaines actions pour échapper à une punition, encore éviter la honte ou la culpabilité.

J’aimerais surtout par cette plume vous inciter à réfléchir et à assumer ce qui motive vos actions et ne pas rentrer dans une démarche fataliste « je dois », « il faut », « je ne peux pas faire autrement ». A partir du moment où vous connaissez et acceptez vos sources de motivation, vous pourrez peut-être vivre ces contraintes avec un peu plus de légèreté.

De mon côté, il ne faut pas que j’écrive au minimum 2 plumes par année, mais écrire 2 plumes par année me permet de me remettre en question et peut-être d’apporter un peu d’eau au moulin de quelques lecteurs.

Julien Neukomm, catéchète professionnel.


Les traditions

Quand j’étais enfant, j’ai pris la téméraire décision de lire la Bible en entier en lisant un chapitre par jour. Plusieurs fois, j’ai éprouvé une grande gêne en faisant des observations contradictoires dans les textes. On m’avait enseigné que la parole de Dieu était infaillible, inchangeable et universelle, la vérité absolue, et voilà que des récits se répétaient, n’étaient pas les mêmes, l’histoire de Noé, celle de Moïse et des commandements par exemple et toutes ces lois dans les premiers livres qui ne comptaient plus pour nous. Faut-il en bon croyant éviter de manger du porc ? Timidement, je gardais ces questions pour moi, avec un espoir naïf que je comprendrais un jour.

Les études aidèrent beaucoup à combler ce vide. On peut découvrir dans les textes des traditions différentes et les comprendre dans leurs contextes respectifs. A cette richesse s’ajoute celle de l’histoire des manuscrits, de ces efforts de donner à l’histoire de la foi une possibilité d’être lue, relue et interprétée. Je me serais presque passionné pour cette science.

Il m’arrive en aumônerie, qu’une personne, chrétienne ou pas d’ailleurs, me fasse sa propre lecture de l’histoire de Dieu avec les humains et insiste pour que je me rallie à ses affirmations. Je ne le peux certainement pas toujours. Là aussi, nos traditions différentes ne sont compréhensibles que dans les contextes respectifs. Mais c’est bien dans ce partage que je continue à découvrir la richesse du dialogue que pouvons avoir entre nous, comme celui que j’ai avec les textes bibliques. Il faut bien que le dialogue persiste, or on peut facilement le mettre en danger. Si les affirmations prennent la forme d’une vérité absolue, on ne dialogue plus, on se bat. Malheureusement c’est souvent arrivé et ça arrive encore. La foi n’est pas faite pour ça, la lecture de mon enfance me l’a vite fait comprendre et le naïf espoir ne m’a pas encore vraiment quitté, il est juste devenu un peu plus humble.

Eric Geiser, pasteur


« Les gens de la ville, ville, ville… »

Encore une comptine comme titre de cette « plume » !..

C’est que l’autre jour, profitant de cet automne si chaud, nous sommes allés nous balader aux Prés de Cortébert. Arrivant en vue d’une métairie, quelque chose au loin devant moi, me tire l’œil. Je vois deux personnes qui portent à bout de bras leur vélo VTT pour le passer par-dessus la barrière en fil de fer barbelé… puis je les vois se coucher et rouler pour passer eux-mêmes par dessous le fil de fer. En suivant le chemin pédestre, nous nous approchons de l’endroit où ils ont passés et je vois que… ils ont traversé avec tant de peine la barrière de barbelés juste à côté d’un clédard, dont il me suffit de lever la chaîne pour qu’il s’ouvre tout grand !

Des « gens de la ville », me dis-je en souriant intérieurement… ils ne connaissent rien à la campagne ! Et puis, poursuivant ma marche et ma réflexion, je réalise que moi non plus, je ne connais pas tout de la ville, et qu’ils auraient sans doute bien des choses à m’apprendre, ces gens de la ville !

 

Juste une petite anecdote du quotidien, c’est sûr. Et pourtant, je me dis qu’il serait important que nous nous apprenions, mutuellement, des choses… Entre gens de la campagne et gens de la ville, c’est sûr. Mais aussi entre jeunes et vieux, entre intellectuels et manuels, entre paysans et ouvriers ou cols blancs, entre gens d’ici et gens d’ailleurs, etc…

Parce que, j’ai l’impression, qu’on ne s’écoute plus tellement, plus vraiment les uns les autres dans notre société. J’ai l’impression qu’internet, les nouvelles en flux continu, les réseaux sociaux nous font croire que nous savons tout du monde et de la vie et que nous n’avons plus rien à apprendre des autres.

 

Face à cela, je dirais au contraire que c’est essentiel que nous nous apprenions mutuellement des choses. Et pas seulement des choses : que nous nous apprenions la vie, que nous nous apprenions à vivre, à vivre ensemble tout simplement. Parce que c’est seulement en acceptant que nous avons encore et toujours à apprendre comment vivre mieux, comment vivre de manière plus ouverte et plus solidaire, avec les autres, avec la nature et notre monde… que c’est à cette condition que nous donnerons une chance à notre monde de continuer à vivre encore, et à vivre un peu mieux.

 

Alain Wimmer, pasteur


Du fiel au miel

Mais j’aurais eu toutes les raisons de m’offusquer et d’être pleine d’acrimonie ! Vous allez lu cette histoire rocambolesque chez nos sœurs et frères catholiques romains. Le 28 août dernier, je cite, « Monika Schmid, au service de l’Église à la paroisse Saint-Martin d’Illnau-Effretikon dans le canton de Zurich a ‘concélébré’ une eucharistie avec un père capucin, Josef Regli. » Et cela provoque un tollé général auprès des autorités proches de Rome. Ils ont ouvert une enquête canonique. Si j’étais restée à me complaire dans le fiel. Alors j’aurais fait remarquer que l’Église catholique romaine reste bien fidèle à elle-même. Théologiquement la question de l’eucharistie est claire, c’est un sacrement et ne peut être administré que par un prêtre, ou plus exactement une personne pouvant agir in persona Christi. Or, la doctrine catholique romaine est aussi limpide quant à l’accès à ce ministère, il n’est pas ouvert aux femmes. Quoique rageant pour la femme pasteure que je suis, il faut reconnaître que l’Église catholique romaine est intègre et logique avec ses dogmes et sa théologie. Et qui suis-je pour entreprendre de leur révéler qu’ils auraient tort ? Je ne partage pas du tout cette théologie, c’est pourquoi je suis réformée. Alors je ne voulais pas me noyer dans l’aigreur de mes récriminations. Il faut savoir accepter la différence. Je glisse avec délectation dans le miel des réformes novatrices. Et j’applaudis le courage de cette équipe d’Illnau-Effretikon qui inaugure une autre manière de célébrer en dépit des interdits et du caractère illicite de leur liturgie. Ils ont cette détermination que des huguenots face aux dragonnades et des Cathares face aux croisades avaient auparavant manifesté en leur temps. Aurais-je cette audace à leur instar de changer la liturgie et de parler de Dieu autrement, de laisser entrer dans nos usages un vent inédit ? Je ne suis pas seule, nous verrons quel miel de l’Evangile, l’Erguël est prête à goûter.

Nadine Manson, pasteure

 


Faire son deuil

Une amie m’a raconté un jour, qu’elle était attablée avec sa famille et que le thème de la mort a été abordé. Habituellement ce genre de discussions mets mal à l’aise et pourtant me disait-elle ce fut un échange intéressant et riche dans le partage. Le seul point sur lequel ils ne furent pas d’accord, était le service funèbre car la grand-maman disait vouloir un enterrement dans l’intimité de la famille. Elle souhaitait que cela se fasse dans la discrétion et ne voulais surtout pas faire de grandes vagues. Comme c’était une personne qui aimait le contact, qui donnait des coups de main et qui soignait ses amitiés, sa famille a pu lui exprimer combien il serait important pour son entourage de pouvoir être là le jour de ses obsèques afin de dire adieu et d’être porté par des mots de consolations dits par le pasteur. Mon amie disait que finalement sa grand-maman fut soulagée et en total accord avec sa famille après cette discussion.

 

J’ai moi-même vécu le décès d’un très bon ami parti bien trop tôt. Ses parents, dans leur douleur, ont décidé que le culte de ses obsèques aurait lieu dans l’intimité de la famille, ce qui ne nous a pas permis, nous ses amis, de faire notre deuil. Parfois on oublie qu’il y a aussi une famille formée d’amis, de collègues, de potes et que, eux aussi ont ce besoin « tellement important » de pouvoir dire adieu à la personne qu’ils ont connue et aimée.

 

La mort est une épreuve, un choc, une douleur. Un culte, à l’occasion d’un décès, est un rassemblement des vivants pour un dernier adieu, pour confier à Dieu celui ou celle dont la vie terrestre s’est arrêtée. Le culte est aussi écoute d’une Parole de Dieu qui réconforte et qui console.

  

Rappelons que faire son deuil ne veut pas dire oublier la personne, mais laisser la place à la peine et au chagrin, afin d'être capable petit à petit, de continuer d'avancer dans la vie sans elle.

 

Je souhaite que nous puissions toutes et tous avoir cette discussion en famille de ce que sera le service funèbre, en gardant à l’esprit que ce n’est pas la famille seule qui souffre mais qu’il y a aussi ces personnes qui ont partagé des brins de vie avec la personne défunte et qu’elles sont aussi en peine avec le besoin d’être consolé.

 

Bea Ogi, présidente du Conseil du Syndicat et de la paroisse de Sonvilier


Vents de guerre

Lors de la défaite occidentale en Afghanistan, j’avais écrit sur les pages de Réformés, journal des églises réformées de Suisse romande, un article critiquant la guerre des Occidentaux. Je concluais cet article en disant que « la violence appelle la violence » et qu’il y a deux mille ans « un certain Jésus de Nazareth condamnait déjà le réflexe de vouloir combattre le mal par le mal ». Aujourd’hui, je me rends compte que j’appuie fortement l’aide militaire de l’Occident envers l’Ukraine. Comment expliquer cet apparente contradiction ? D’une part, j’ai toujours pensé qu’un état démocratique et libéral ne se construit pas avec l’ingérence de pays tiers qui l’imposeraient par la guerre. Il est vrai que les USA ont établi en Afghanistan un régime où le droit des femmes et les libertés fondamentales étaient respectées. Mais le fait de l’avoir fait avec la violence, a fragilisé la pérennité de ce régime. En Suisse et en Europe, la construction de nos libertés a été le fruit d’un long développement. Nos démocraties ont avancé de manière lente et progressive, avec de plus en plus de droits pour toujours plus de personnes. Pour différentes raisons, la Russie de Vladimir Poutine a opéré un revirement réactionnaire en instaurant un régime autocratique et illibéral. Que ce régime se soit permis d’envahir un état souverain, malgré les traités bilatéraux qui l’engageait à en respecter les frontières, est d’une gravité sans précédent pour le continent européen. Ce geste aura des lourdes conséquences pour la paix et la stabilité en Europe, quoi que nous fassions. Quand les USA ont voulu exporter la démocratie par la guerre, ils avaient tort. Lorsqu’ils souhaitent défendre la stabilité et la démocratie en Europe, à la demande d’un peuple européen, ils ont, à mon avis, raison de le faire. Le chrétien que je suis s’interroge néanmoins sur la déferlante de violences que ce conflit engendre. La guerre est un mal, même lorsque nous défendons nos maisons et nos familles. Après la chute du mur de Berlin nous pensions que des sociétés pacifiées étaient à portée de main. L’égoïsme de nos élites économiques, le manque de sécurités sociales chez nous, les attaques externes de régimes autocratiques nous rappellent que le mal existe et qu’il est, aujourd’hui, en action. Je ne peux que nous encourager à créer malgré tout, des espaces, où nous sommes capables de vivre d’autres valeurs dans le respects réciproque, la compréhension et le pardon. Nous en avons urgemment besoin ! 

Matteo Silvestrini, pasteur


Un climat léger pour nos enfants ?

Avez-vous vu sur les chemins de nos villages, ces écolier.e.s qui se remettent en chemin depuis quelques semaines ? Je suis toujours étonnée par certain.e.s : comment font-ils ou elles pour marcher avec des sacs qui font deux fois leur taille et qui semblent parfois bien lourds ? J’admire leur courage, mais je me demande aussi parfois ce que nous exigeons de leur part, si jeunes qu’iels sont… et surtout, qu’avons-nous à leur offrir en retour ?

Chaque fois que nous allumons la radio, il est question de crise climatique, de guerre, de manque d’électricité, de pénurie de gaz, … L’été si chaud nous questionne, tout comme l’hiver qui sera probablement très froid, dehors comme dedans. Vers quoi est-ce que tend notre monde ? Dans 40 ans, comment vivrons ces enfants que nous voyons dans nos rues ?

Il n’est pas aisé de se poser ces questions. En effet, nous nous rendons bien compte que nous ne voulons probablement pas entendre les réponses.

Mais alors, que dire, que faire ? Ce sont toutes ces questions qui me passent par l’esprit, aussi maintenant que j’ai moi-même mis un enfant au monde. Seul le futur pourra répondre à nos interrogations, mais il sera déjà bien trop tard. Il nous faut agir autrement et cela dès aujourd’hui.

Alors que nous avions presque cru que le confinement nous transformerait et nous rendrait plus attentifs à nos consommations, nous devons nous rendre compte que ce n’a pas été le cas. Peut-être qu’il nous en fallait encore un peu plus pour nous décider.

Mais après cet été si chaud et alors que les enfants portent le fardeau de l’école, ne leur faisons pas porter encore le fardeau de nos conforts. Prenons le taureau par les cornes comme on dit, et tentons ! Tentons de consommer local, de récupérer, de réparer, de mieux consommer, de moins jeter, ... Cherchons proches de chez nous, qui a des talents, qui a des capacités et aidons-nous les uns les autres ! Il y a tant de merveilles dans nos régions et chez les personnes qui nous entourent, partons à la découverte et engageons-nous pour ces écolier.e.s ! Mieux consommer veut aussi dire faire plus attention à ceux qui sont autour de nous et ça, ça promet un avenir avec de joyeuses fêtes de village, de la joie, des rencontres et de belles découvertes !

Maëlle Bader, pasteure


Ayons la sérénité, le courage et la sagesse

Il existe une prière dite de la sérénité dont le texte est le suivant : « Dieu, donne-nous la grâce d'accepter avec sérénité les choses qui ne peuvent être changées, le courage de changer celles qui devraient l'être, et la sagesse de les distinguer l'une de l'autre ». Rédigée dans les années 1930, elle est utilisée et a été rendue célèbre par les Alcooliques anonymes dans leur Big Book, paru en 1939.   

S’il est important de choisir ses combats et de reconnaître que nous ne pouvons pas tout, il faut faire attention à ne pas tomber dans l’excès inverse, prendre garde de ne pas en arriver à juger que les problèmes qui dépassent mon échelle individuelle seraient sans solutions, sans espoir. C’est indéniable, le changement en profondeur est impossible à obtenir seul.

Les textes bibliques s’adressent avant tout à des groupes. Malgré notre tentation de lire dans chaque tutoiement du texte un message de Dieu adressé à une personne, l’écrasante majorité des textes où Dieu tutoie s’adresse au peuple d’Israël. De même, les lettres de Paul qui règlent des problèmes particuliers, le font toujours dans le cadre d’une communauté. Il en est ainsi, car toute la Bible est traversée par le rappel de la faiblesse humaine, de la faiblesse de l’individu et de la force du collectif. Les plus grandes figures n’y sont pas sans défauts et pourtant, ce qu’elles accomplissent avec et grâce aux autres est prodigieux.

Il faut toutefois une acceptation et une transformation de soi pour être capable d’entendre qu’un changement est nécessaire, pour en tirer les conséquences et agir. Le changement, s’il se fait à une échelle qui me dépasse, me touche, m’impacte aussi. De manière parfois difficile, avec des doutes, de la culpabilité, mais aussi positive avec une prise de confiance et une libération.

Aujourd’hui, face à tout ce qui bouleverse et interroge notre quotidien, il s’agit d’apprendre à  vivre avec ces tensions. Non pas au point d’en être écartelé, mais bien en sentant l’énergie créatrice entre individu et collectif, entre doute et confiance, entre culpabilité et libération. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons avoir la sérénité, le courage et la sagesse dont nous avons tant besoin !

David Kneubühler, pasteur




Vive les vacances, plus de pénitence…

Peut-être l’avez-vous chanté, comme moi enfant, à la fin de l’année scolaire, cette comptine des vacances… Elle m’est revenue à l’esprit en pensant à cette « plume » de l’été. Une comptine de « dans le temps », une comptine d’enfants…

 

Vous vous souvenez de la suite ? « Les cahiers au feu, … » et la suite je n’ose pas l’écrire !.. Sûr qu’on n’oserait plus chantonner cela aujourd’hui – d’ailleurs nous baissions déjà la voix à l’époque, en arrivant à ce point de la chanson… Non, on n’oserait plus trop. Et c’est tant mieux.

 

Une comptine d’enfants… Mais pas seulement, quand je pense à cet été 2022 et à ce qu’on en entend de partout… aéroports surchargés, vols annulés, destinations prises d’assaut, bouchons sans fin… et j’en passe. Oui vraiment, ces vacances recommencent comme avant, sans aucune pénitence !

 

Elles semblent bien loin les bonnes résolutions de ces deux dernières années, les espoirs d’un changement profond qui redonnerait de la place à la nature, aux poissons dans les eaux, aux coraux dans les mers, aux oiseaux dans les airs, à la faune et à la flore sur la terre… Plus de pénitence en 2022, non. Ça c’est sûr !

 

Si pénitence équivaut à mauvaise conscience, ce n’est pas plus mal. La mauvaise conscience n’amène jamais à grand-chose, sinon à la grisaille et à la médiocrité.

Par contre, si ces vacances – pour celles et ceux qui peuvent en prendre – pouvaient être l’occasion de se rendre compte de la chance que c’est que de pouvoir profiter de vacances, du privilège que sont les vacances… Si ces vacances, ici ou au loin, pouvaient nous donner l’envie de sourire, sourire aux autres, sourire à la nature, sourire à la vie…

 

Parce qu’il est difficile de résister à un vrai sourire. Parce que la meilleure manière de combattre la haine et l’indifférence est de leur opposer nos sourires.

Et nous pourrons fredonner « Vive les vacances, plein d’reconnaissance, … et la vie, au milieu ! »

 

Alain Wimmer, pasteur


Suis-je libre ?

 

En écoutant la chanson « Wind of change » du groupe allemand « Scorpions », je me suis rappelé qu’elle parlait de ce grand moment qui est la chute du mur de Berlin. Cette nuit de 1989 est un événement majeur dans les accords de désarmement de la guerre froide et de la libération des pays de l’URSS. Mais que reste-il maintenant de cette liberté avec les conflits actuels ?  Et d’ailleurs, qu’est-ce que la liberté ?

 

D’après le dictionnaire, il s’agit d’une possibilité d’action ou de mouvement. C’est l’inverse de l’enfermement dans une prison ou encore du statut d’esclave. Tout le monde veut être libre, mais chacun a sa propre définition. La liberté peut impliquer des choix simples ou des choix plus complexes qui comportent aussi des obligations et des responsabilités. Finalement, pourrions-nous dire que, tant que l’on ne fait de tort à personne, on est libre de faire ce que l’on veut ?

 

Demandons-nous aussi ce qu’en dit la Bible.  Un verset très connu sur ce thème dans Galates 5.1: « Le Christ nous a libérés pour que nous soyons vraiment libres. Alors, résistez ! Ne vous laissez plus attacher avec les chaînes de l’esclavage ! »

 

Avant de continuer la lecture, je vous encourage à prendre quelques minutes pour vous demander comment ce verset résonne en vous.

 

Pour moi, il s’agit ici de se sentir libre à l’intérieur de soi avant d’être libre d’agir. Et la première piste à laquelle je pense est de savoir pardonner. Bien sûr, il faut pouvoir pardonner à ceux qui nous ont blessés, mais avant tout, il faut réussir à se pardonner à soi, de ne pas être aussi bien et de ne pas faire les choses aussi bien que l’on aimerait.

 

Et si on parcourt les Evangiles, on peut voir que Jésus est un exemple à suivre sur la question du pardon. Il nous encourage toutefois à verbaliser et à regretter comme dans Luc 17.3 par exemple. Il va jusqu’à demander à Dieu de pardonner à ceux qui veulent le tuer « car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23.34).

 

Et si on continue jusqu’au verset 13 de Galates 5, Paul nous donne des pistes concrètes pour vivre sa liberté. « Vous, frères et sœurs, vous avez été appelés à la liberté, mais cette liberté ne doit pas être une excuse pour vos désirs mauvais ! Au contraire, mettez-vous au service les uns des autres avec amour. » Ce qui me semble essentiel dans ce texte, c’est « avec amour ». Être altruiste sans amour, c’est peut-être exemplaire et lié à une bonne éducation, mais cela ne permet pas de se sentir libre.

 

Julien Neukomm, catéchète professionnel


En attendant Pentecôte, …

Drôle de période entre l’Ascension et Pentecôte…

Imaginez les émotions des disciples et des gens qui ont cru en Jésus…

 

Tout d’abord, le désarroi, la tristesse, le désespoir peut-être, comme les pèlerins d’Emmaüs qui sur leur chemin racontent à un inconnu tout ce qu’ils ont vécu pendant la Pâque…

Leur espoir du Messie… crucifié, leur monde qui s’écroule, où plus rien ne tourne rond, où même l’annonce de la résurrection par les femmes, sans réelle preuve ne leur donne aucun signe d’espoir, ne les console pas. Mais Jésus ne les laisse pas dans cet état, il leur parle, les aide à se reconstruire, à remettre les roues en lien les unes avec les autres. Puis vient l’Euphorie, la joie de reconnaître brièvement Jésus avant qu’il ne disparaisse de leurs yeux. Cette vitalité nouvelle qui s’offre à eux et qui leur permet de rebrousser chemin et de se remettre en route en courant malgré la journée de marche dans les yeux.

 

Imaginez la joie, le bonheur, de revoir le Christ parmi les disciples, des personnes qui suivaient Jésus, même caché, même loin de Jérusalem, même celle de Thomas, qui doit voir pour croire. Imaginez le soulagement, alors qu’ils et elles pensaient que tout était perdu, la résurrection leur est offerte.

 

Et voilà que Jésus leur annonce son départ…à nouveau. Mais cette fois, ils et elles peuvent l’accompagner, le voir s’éloigner et disparaître pour rejoindre son père. Comment vont-ils et elles vivre ce nouveau vide. Cette nouvelle séparation… avec tristesse ? Il ne sera resté que quelques jours... Avec gratitude ? Cette fois, les adieux ont pu se faire, le départ n’est pas précipité ni dans la douleur et la mort, il est serein… Avec confiance ? Jésus leur a promis qu’ils recevraient l’esprit saint… Avec espérance ? celle de se retrouver…

 

Et nous ? Où en sommes-nous ? Encore dans l’avant Pâques…plein d’espoirs, que tout sera révolutionné, changé et que nous serons toujours ensemble ? Dans la tristesse de la perte, de la mort et du tombeau ? Dans l’euphorie de la résurrection ? Dans la sérénité des jours qui suivent, dans la 2e chance ?

Voilà que le Christ s’en va, qu’il passe la main… aux disciples, à nous, aux femmes et aux hommes de bonne volonté sur cette terre. Avec la promesse de l’esprit saint, de ne pas être seul·e, ni démuni·e. C’est pour bientôt. Alors à nous, en attendant.

 

… une belle Ascension !

 

Florence Ramoni

Catéchète professionnelle

Le mal est de retour, a dit le président ukrainien Zelensky

Dans nos vies, il y a du prévu et de l’imprévu. Souvent ce qui est prévu est d’ordre plaisant. En revanche ce qui relève de l’imprévu se teinte fréquemment de la couleur des déboires et du malheur. Et lorsque nous sommes frappés par de l’imprévu aux accents de malchance, on se demande, ce que l’on a bien pu faire au bon Dieu. En théologie, j’ai été très intéressée par cette question du mal : Dieu est tout-puissant/Dieu est bon/Pourquoi le mal ?

J’écris cette plume tandis que le sort atteint des personnes autour de moi et les handicape dans la vitalité de leur quotidien.

Un penseur, que j’apprécie, Paul Tillich a identifié le mal. Il est à ses yeux une espèce de forces destructrices s’en prenant à notre être pour le briser et tenter de le démolir. Ce mal est en nous et autour de nous. Or, la vie lui résiste et se défend. Cette dynamique de défense vitale tire sa force de Dieu. Tillich pense que Dieu agit en nous pour nous rendre capable de faire face à ce qui nous agresse. Dieu est la puissance de courage et d’énergie en nous.

Mais attention ! Qui dit puissance ici, ne dit pas pouvoir. Le pouvoir, c’est Poutine qui envoie ses armées faire la guerre en Ukraine. La puissance, c’est le courage et la détermination des Ukrainiens face au conflit. Le pouvoir s’exerce sur les gens et sur les choses. La puissance s’exerce dans les choses et les gens. SUR et DANS. Le pouvoir du mal, c’est Poutine agressant un pays. Il agit SUR l’Ukraine. Mais pas DANS le cœur, la détermination, le courage, la fermeté de résistance du peuple. Il peut démolir un pays mais pas le courage de ses habitants. Dieu a la puissance de nous donner du cran, du cœur et de la ténacité face au pouvoir du mal. Et je crois qu’en tendant la main à l’autre, nous œuvrons à l’amplification de la puissance divine DANS le monde.

 

Nadine Manson, pasteure

Image d'illustration de Sander Sammy via Unsplash


Pâques, une bonne nouvelle envers et contre tout

Alors que les fêtes de Pâques sont derrière nous, le calendrier chrétien prévoit encore un temps de fête, jusqu’à Pentecôte. Comment continuer à nous réjouir alors que le monde nous semble aller si mal ? Nous pourrions mettre cela sur le compte d’une habitude aux mauvaises nouvelles. Oui, elles existent, n’en parlons pas trop, pour ne pas nous pourrir la vie.

Pourtant, la fête chrétienne de Pâques prend au sérieux les mauvaises nouvelles. Elle a lieu à la suite de Vendredi saint, qui commémore la mort de Jésus. Une mort en croix, vue comme infâmante. La mort d’un innocent à la place d’un criminel, d’un homme bon qui s’est fait le serviteur des autres. Un acte inique par excellence.

Fêter Pâques, pour les chrétiennes et chrétiens, ce n’est pas seulement fêter la résurrection, c’est se souvenir de pourquoi il y a une résurrection. Se souvenir du mal infligé dans le monde quotidiennement, qui culmine symboliquement à Vendredi saint avec la mort de Jésus.

Et malgré cela, c’est oser fêter. Fêter la résurrection, dire que la vie est plus forte que la mort, que la violence, que le mal. En langage chrétien : que les puissances sont vaincues par Dieu à Pâques, alors que Vendredi saint semblait consacrer leur triomphe.

Fêter dans cette période, ce n’est donc pas être dans la naïveté et le déni. C’est avoir conscience que la vie n’est pas toujours un cadeau, pas toujours facile. Mais que malgré cela, il demeure des bonnes nouvelles, une bonne nouvelle, un Evangile, pour nous qui sommes chrétiennes et chrétiens.

En nous rassemblant, en fêtant, en célébrant à Pâques, nous trouvons ensemble les forces nécessaires pour affronter les coups durs de la vie, pour surmonter les Vendredi saints qui se présentent à nous. Et cette force, nous ne la mettons pas seulement à notre service, mais surtout au service des autres. Quand quelqu’un n’a plus de force, que la noirceur semble l’envelopper, nous lui offrons de la chaleur, de la lumière. Nous lui offrons, des raisons d’espérer, des raisons de vivre. Ainsi, nous manifestons que l’annonce de la résurrection n’est pas un événement unique d’il y a deux mille ans, mais quelque chose qui se répète sans cesse et sans fin, pour le meilleur.

 

David Kneubühler, pasteur

Crédit image: Adi Goldstein, via Unsplash


Soyons des colibris!

La guerre en Ukraine fait toujours plus de victimes et de déplacés. Un glacier géant menace de s’effondrer ces prochaines années en Antarctique faisant monter les eaux du globe de 3 mètres. Les températures enregistrées au cours du mois de mars sur ce même continent sont à 30° supérieure à la moyenne. Des scientifiques partout dans le monde se mobilisent pour faire entendre leurs voix à propos du réchauffement.

 

En lisant le fil de l’actualité de ces derniers jours, on se demande bien dans quelle direction va le monde. Qu’adviendra-t-il ces prochaines années ? Que sera le future pour nos enfants et petit-enfants ? Une chose est sûre, c’est que le temps presse. On ne peut plus seulement « marcher avec confiance », comme l’Eglise l’a souvent dit. Il faut agir. Et vite. Agir avec confiance.

 

Un jour, dit une légende Amérindienne, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le Colibri lui répondit : « je le sais, mais je fais ma part. »

 

Lorsque des familles ouvrent leur porte à des réfugiés, lorsque nous décidons de consommer plus local, de moins prendre notre voiture, de faire un jardin potager, nous agissons. Parfois, cela, tel le colibri, n’est qu’une petite goutte d’eau sur le grand incendie du monde, et pourtant, qu’elle est précieuse cette goutte d’eau. Elle dit quelque chose de notre engagement pour le monde. Elle dit que nous ne voulons pas rester indifférent et que nous sommes tous et toutes concernés par l’état de notre planète.

 

En route vers la semaine de Pâques, ne tournons pas le dos à la souffrance, à la décrépitude, mais regardons-là en face et, goutte à goutte, faisons notre part.

Macaire Gallopin, pasteur

 

 


Eco-anxiété, des nouveaux héros?

Les générations actuelles sont habitées par cette anxiété inhérente aux questions écologiques. Il suffit en effet de considérer les productions littéraires, cinématographiques et culturelles pour le réaliser. Le terme dystopie a succédé à celui d’utopie. Lorsque nos artistes rêvent et inventent, ils brossent des mondes touchés par des catastrophes. Des mondes dévastés où respirer est difficile. Le roman de Barjavel Ravage paru en 1943 faisait figure d'originalité à l’époque. Premier roman de science-fiction dystopique avant l’heure ! Aujourd’hui c’est devenu monnaie courante. Alors que faire ? Certes, prendre conscience de la gravité de la question et des enjeux écologiques. Pléthore de reportages après avoir dressé le constat alarmant s’essaie à des embryons de dénouements possibles. Cette constante présence de la gravité et de l’urgence de la situation devrait être cependant accompagnée. Accompagnée spirituellement, existentiellement, profondément. Afin que la lutte contre cette destinée funeste soit portée par plus grand, plus fort que nous-mêmes. Afin que l’anxiété si légitime puisse trouver un réconfort et une paix pour mieux remporter la bataille.

A l'Éternel la terre et ce qu'elle renferme, le monde et celles et ceux qui l'habitent ! Savoir que l’humanité n’est ni son fondement ni sa propre fin. Savoir que le petit moment qu’occupe l’existence humaine dans l’histoire de notre planète est un souffle. Savoir également que pour l’Éternel cette brève histoire humaine est précieuse et inestimable. Qu’est-ce que l’être humain pour que tu te souviennes de lui, qu’est-ce que l’être humain, pour que tu t’occupes de lui ? Pour gagner contre le pire, souvent les livres et les films laissent la place à une part indicible et singulière : la volonté de retrouver les siens ; le plus rien à perdre ; l’énergie du désespoir et de l’espoir, etc. Cette étincelle qui force à transcender sa condition au prix de sa vie, à faire preuve de bravoure, à agir comme si nous ne craignons plus de mourir. L’Éternel est ce qui est venu nous dire que nous ne devons plus craindre la mort. Ainsi nous ne sauvons pas la terre uniquement à l’échelle de notre simple existence, mais pour l’aujourd’hui et le demain de l’humanité. Cette aisance, cette espèce de confiance et d’audace en la vie – cette foi – nous offrira dans nos initiatives une détermination et un cran semblables à ceux des héros qui sauvent la planète à la fin du film !

 

Nadine Manson, pasteure


Heureusement que nous ne sommes pas monocarpiques...

Un homme, lors d’un entretien, m’a raconté un souvenir d’enfance. Il joue avec d’autres enfants dans la rue, quand un voisin les appelle avec émotion : « Venez voir, il ne faut pas rater ça ! » Les enfants le suivent dans une serre pour admirer un cactus qui, après des années de croissance, ne fleurit qu’une fois avant de mourir.

Dans l’entretien aussi, nous avons constaté avec gratitude, que pour nous, notre âme et notre vie, il y a souvent plusieurs occasions de rebondir, d’oser penser qu’une autre floraison devrait encore être possible. C’est à la fois le côté gratifiant et exigeant de notre métier, de chercher ensemble les ouvertures qui laissent s’épanouir la vie au lieu de l’étouffer. Comme nous le savons tous par expérience, ce n’est pas toujours évident.

La réalité du temps qui passe, des innombrables occasions et possibilités qui nous sont offertes, mais aussi celle des chances manquées nous laisse parfois dans le doute et l’immobilité. Une autre personne me confia qu’elle n’avait pas envie de venir à l’église, mais qu’elle se prenait le temps de méditer chaque matin, elle faisait en quelque sorte le vide pour mieux remplir sa journée. Il faut parfois ce silence, ce calme, pour avoir l’audace de choisir une issue et ensuite aller son chemin avec conviction. Il le faut parfois aussi pour ne pas oublier qu’il est propre à l’être humain de fleurir plus d’une fois et souvent de façon variée. Heureusement que nous ne sommes pas monocarpiques comme le cactus.

Pour moi, issu d’un environnement artisanal, c’était déjà un hasard et une chance de pouvoir faire des études. J’ai appris l’agriculture et j’aurais peut-être pu devenir charpentier. Au début des études, je vous l’avouerai en rougissant un peu, je pensais trouver une réponse définitive aux questions existentielles qui se posaient. Je me suis finalement rendu compte, qu’elles servaient plutôt à nous apprendre à vivre sans avoir toutes les réponses et peut être à mieux comprendre nos questions. Je peux aussi dire que je ne me suis pas ennuyé durant ces années en paroisse, en aumônerie et que justement les rencontres et les entretiens sont d’une richesse inépuisable. Même si nous nous ressemblons tous un peu, je n’en ai pas trouvé deux mêmes. Je me réjouis de conclure cette aventure professionnelle dans la paroisse de Sonceboz-Sombeval et le syndicat Referguel.

Eric Geiser, pasteur


Le chemin

Inspiré de genèse chapitres 12 à 13, verset 1

Il est long ce chemin, elle est longue cette route qui mène à toi, Seigneur. C’est Abraham qui se met en marche, depuis le désert jusqu’en Egypte. Un chemin qu’il fait seul ou en transhumance avec bêtes et serviteurs, avec Sarah et les autres femmes. Il y rencontre sur cette route des gens qui ont les chaussures bien propres, qui n’ont pas à parcourir ces pentes et ces collines ensablés ou englués de boue.

Pieds nus ou chaussés, nos pieds nous portent sur ces routes. Nous traversons les montagnes.

Venir, partir, revenir, c’est le moment de rencontrer les êtres qui nous sont chers, même éloignés, car l’exil nous a mené sur d’autres chemins, dans d’autres maisons. Arrivés chez eux, être servis, et se raconter. Dire comment on va, manger et boire, puis repartir.

Trouver un lieu, enfin, où on peut résider. Le faire propre, laisser sa trace, se mettre à l’aise puis repartir.

 Suivre la trace qui a été laissé sur le sol. Espérer qu’on nous invite dans une demeure on l’on pourrait rester. L’hospitalité est un acte sacré pour les gens de la Bible. Savons-nous encore être hospitalier ? Chercher un être cher qui nous aimerait assez pour nous garder ou mentir comme Abraham pour avoir les grâces de Pharaon. Mais les mensonges ont les jambes courtes, alors Abraham et sa tribu repartent. Là n’était pas leur place.

Allure du pas rapide ou lente car nous sommes chargés de vivre et de nécessaires nous permettant d’avoir de quoi nous vêtir et manger. Marcher encore du pas sûr si l’on connaît le chemin, en regardant le ciel si cela nous aide. Faire le feu, dans des contrées loin de celles d’Abraham. Retrouver une maison, hospitalière cette fois et où l’on peut regarder vraiment ce qu’il y a autour de nous. Oiseaux migrateurs, comme nous, pierres bicentenaires, posées par d’autres mains. Boire le thé, voir les tâches qui nous attendent, savoir où se trouve l’eau.

Vivre avec peu, pas comme Abraham qui était très riche. Drôle d’images bibliques. Un patriarche en transhumance qui sentait la chèvre et l’âne, qui vivait dans des tentes mais qui avait des coffres de bijoux en or. Les affaires étaient prospèrent avec le commerce du bétail.

Vivre avec peu dans une modeste demeure de montagne. Aller chercher l’eau à la source et lui en être reconnaissante. Aimer cette vie simple, où le temps s’étire, où les rares signes de la civilisations sont quelques appareils posés sur une table et des traces d’avions dans le ciel. Savoir aussi que d’autres avant nous ont été là. Reconnaître leur travail qui fut dur, long harassant et l’admirer.

Venir, partir et revenir.

 

Paula Oppliger Mahfouf, catéchète professionnelle


La tête dans les étoiles, les cœurs dans les mains

« Deux choses remplissent le cœur d'une admiration et d'une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes à mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi ». Ces quelques mots du philosophe Emmanuel Kant se trouvent dans les conclusions de son ouvrage, « la critique de la raison pratique », un ouvrage à l’écriture sèche et pour tout dire ennuyeuse, mais qui se termine par ces mots presque poétiques et très évocateurs. Le ciel étoilé indique l’immensité du cosmos et la conscience de notre place si infime dans l’univers et l’envie de l’homme de découvrir et d’étudier cet espace infini. Le ciel évoque donc le mystère, toujours difficile à percer. C’est un lieu où tout est possible et tout est à découvrir. La loi morale en nous est cet autre espace infini où nous situons nos valeurs, le sens que nous donnons à notre vie, les réflexions éthiques qui sont censées nous extraire de notre animalité, de notre finitude. C’est la capacité que nous avons de contempler le ciel étoilé et de poser des valeurs à notre existence, qui nous diffère des autres animaux. De manière presque intuitive nous donnons de la valeur aux aventures scientifiques, comme les missions sur la Lune ou les grandes découvertes, ainsi qu’aux tentatives de construire un monde libre où règne une éthique respectueuse de l’être humain. Lorsque les nations dépensent plus d’argent pour les armements que pour la recherche scientifique et le bonheur des êtres humains, elles trahissent notre humanité. Et lorsque nous oublions l’émerveillement et le respect pour la création et l’empathie pour le sort des autres, nous oublions notre humanité. Mesurer la petitesse de notre place dans l’univers et tracer des limites éthiques à notre vivre quotidien, voilà la tâche qui définit de manière positive ce qu’est l’humain. Les différentes traditions religieuses, et la nôtre en particulier, se veulent un guide pour intérioriser ces vérités. Établir un lien spirituel avec Dieu, signifie placer l’humain là où il est vraiment, dans sa petitesse. Incarner l’Évangile signifie ressentir toute la grandeur d’un être humain capable de s’émerveiller et de s’investir pour le bonheur des autres, à travers des choix éthiques parfois coûteux pour l’individu, mais bénéfiques pour l’ensemble. Nous pouvons ainsi ressentir et goûter la beauté du ciel étoilé au-dessus de nous et de la loi morale en nous !

Matteo Silvestrini, pasteur


Dieu est-il fanatique?

En dépit du message d’amour, les religions ont toutes du sang sur les mains. C’est particulièrement vrai dans le cas des religions monothéistes, fondées sur une révélation. Elles sont persuadées de connaitre l’unique vérité qui leur a été donnée par Dieu. Cela peut avoir pour conséquence de l’intolérance « au nom de Dieu », ainsi qu’un désir de domination et de pouvoir. Il existe de nombreux exemples du côté du judaïsme ou de l’Islam par exemple, mais concentrons-nous aujourd’hui sur le christianisme.

 

Dans la Bible, on trouve des passages très violent de la part de Dieu, notamment l’exclusion d’Adam et Eve (Genèse 3), le déluge (Genèse 6-9) ou les 10 plaies d’Egypte (Exode 7-12).  Dieu défendait son peuple. Mais le message de Jésus est très différent. Il prône l’amour de soi-même et des autres et il explique d’ailleurs à Pilate qu’il n’est pas venu sur terre pour faire un royaume dans ce monde. Pris au pied de la lettre, ces récits de la violence divine peuvent conduire à justifier la violence des hommes. Mais il est important de chercher le sens profond du message de Dieu, respectivement de Jésus et de ne prendre aucun texte au sens littéral.

 

Les 1er chrétiens, en minorité, ont été violemment persécutés par les autorités romaines. Ils n’ont cependant pas fait mieux quelques siècles plus tard, quand ils ont été réhabilités dans l’empire, contre les infidèles et les hérétiques.

Au XVIIIème siècle, les Lumières réclamaient une société que l’on pourrait dire laïque. Il s’agissait de réserver la religion à la sphère privée. Ce sont les prémices d’un état démocratique et moderne. Les droits de l’homme avec notamment la liberté de conscience et de religion deviennent aussi, durant cette période, des valeurs fondamentales de la société. Néanmoins, la liberté de religion n’est à ce jour pas accepté par certains « fondamentalistes » qui souhaitent encore convaincre qu’ils connaissent la vérité.

 

Mais cette Vérité avec un grand V n’est ni dans un système, ni dans une religion, ni dans un livre. Elle est « en Dieu » et selon moi, elle a été révélée par Jésus Christ. Je reste cependant persuadé que les différentes religions ont, malgré leurs contradictions, beaucoup à s’apporter mutuellement dans un dialogue constructif.

 

J’avais envie de terminer cette plume par une citation de Bertrand Picard (psychiatre et aérostier) : « Je crois en l’existence d’un Dieu qui a créé les hommes, mais absolument pas dans le dieu que les hommes ont créé à leur image pour se rassurer. »

 

Julien Neukomm, catéchète professionnel


Qui est Jésus

Il était impossible ces dernières semaines d’échapper au feuilleton de la participation de Novak Djokovic à l’Open d’Australie. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur le bien-fondé de ses actions Par contre, quand sa famille le compare à Jésus, je suis appelé à m’interroger : en quoi lui est-il semblable, en quoi en est-il différent ?

L’engagement pour les plus faibles est la différence la plus criante : si l’on ne peut bien sûr pas reprocher à  Djokovic d’investir du temps et de l’argent pour certaines causes caritatives, il est difficile de ne pas y voir un agir attendu d’un sportif d’élite. Lequel d’entre eux n’a pas d’engagement caritatif ? Et si cet engagement dépasse le plan comm’, demeure le silence assourdissant de cette élite lorsque la dignité humaine est bafouée. Je n’ai souvenir d’aucun d’eux, pas même Saint Roger Federer, s’indignant auprès de ses sponsors après des révélations de condition de travail illégales, ni d’un seul d’entre eux dénonçant des politiques inhumaines dans certains pays où ils jouent. S’engager, oui, mais pas quoiqu’il en coûte. Prendre des risques, oui, mais sur le terrain.

C’est justement tout l’inverse avec Jésus. Lui qui aurait pu « faire école », accepter gloire et louanges, a renoncé à tout cela pour être authentique, pour secouer ses contemporaines et contemporains et mettre en avant leurs hypocrisies, pour les interpeller et les faire changer. Il l’a payé du prix de sa vie. Un prix qu’il a fini par accepter, malgré ses propres doutes.

Au lieu de se laisser comparer à Jésus, Spartacus, ou qui sais-je encore, Novak Djokovic aurait pu profiter de son expérience pour interpeller le monde sur les conditions de détention des personnes migrantes en Australie. Elles sont connues pour être très dures, voire inhumaines, bien que l’on n’en parle pratiquement jamais. Mais il s’en est gardé, n’y a pas pensé. Cela me renvoie à cette question posée au Christ par celles et ceux qu’il maudit (Matthieu 25, 44) : « Quand t’avons-nous vu étranger et ne t’avons-nous pas recueilli ? » et sa réponse « quand vous ne l’avez pas fait à l’un des plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait ». 

Il nous est donc toujours possible, non pas de faire jeu égal sur un court avec Djokovic, mais d’avoir l’humilité nécessaire pour éviter les grandes comparaisons et essayer, à notre échelle, d’agir sur des politiques d’une grande dureté et d’ainsi préserver la dignité humaine, qui n’a pas de prix.

David Kneubühler, pasteur


Noël qui parle

La magie des histoires que nous entendons pour xièmes fois, c’est que, à chaque fois, quelque chose de différents nous parle, selon notre humeur, notre actualité, notre bonheur ou notre malheur. L’histoire de la crèche n’échappe pas à cette règle. Car cette histoire est performative. Elle a un effet sur celui qui l’entend ou la lit. Elle met en route une Kirielle de souvenirs, des goûts, des odeurs, des rires, des pleurs. Elle nous fait remonter aux lointains souvenirs d’un catéchisme où nous n’écoutions pas vraiment. Elle nous fait repasser par tous ces repas de familles, les sapins, les cadeaux, les chants, le stress de la préparation d’un repas, les histoires plus ou moins drôles de nos convives. Oui l’histoire de Noël nous met en route.

Cette année, la mise en route est peut-être plus difficile car nous avons de la peine à nous laisser rêver. Tout autour de nous nous rappelle l’actualité sombre de notre monde. Mais l’histoire de Noël vient encore une fois à nous et nous rejoint comme nous sommes, là où nous sommes dans notre quotidien. Et cette histoire d’un Dieu qui se fait humain et le rejoint au cœur de sa réalité nous permettra peut-être de nous arrêter un instant, prendre le temps d’aimer ceux et celles qui nous entourent et de mettre un peu de lumière dans les noires abysses de nos quotidiens. Que Noël soit un temps de paix, de rêves et d’amour pour chacun et chacune de vous ! Ouvrons grand nos oreilles, Noël parle, encore une fois !

Macaire Gallopin, pasteur


Interlocuteur

Des locuteurs, des loquaces, des circonlocuteurs, des éloquents même, on en trouve à la pelle, mais des interlocuteurs c’est plus difficile.

Ils sont ceux, celles à qui l’on peut adresser des paroles afin de créer une conversation. Il peut aussi être celui, celle qui écoute un message pour le transmettre à un autre destinataire. Dans les deux cas l’interlocuteur n’est pas saoulé de paroles en cascades ou distrait par ses propres pensées, laissant traîner une oreille qui subit. Il n’est pas passif. L’interlocuteur s’il est comme on le définit, participe activement à la conversation, renchérit, se positionne, approuve ou controverse. Quoi de mieux que cela ? Imaginez-vous avec votre interlocuteur ou interlocutrice dans une vrai discussion animée, d’échanges intenses, de passionnants débats et de critiques soutenues et délibérées. De quoi faire avancer nos monologues nocturnes ou diurnes, nos idées étroites et coincées, nos principes étriqués dans nos croyances inconditionnelles et notre éducation reçue une fois pour toute. C’est l’occasion si belle de se laisser heurter par le choc d’un cerveau qui pense et ressent autrement et qui se promène ici-bas dans d’autres sphères et d’autres bulles que nous, que moi, que toi.

Se trouvera t’il à la table de notre souper de Noël, sous les trait de notre beau-frère ou de notre sœur avec qui nous savons que nous ne pouvons pas parler de certains sujets qui fâchent ? S’incarnera t’il dans ce neveu ou cette nièce dans l’âge ingrat, qui parviendra enfin à ce positionner face à l’adulte intransigeant et sachant que je suis ?

S’il faut trouver un interlocuteur, c’est à moi d’agir. Le mode d’emploi est simple et difficile à la fois. De un : aller à la rencontre de locuteurs. De deux : sentir ce qu’ils disent et montrent d’eux. Voir si cela mérite écoute et attention sinon se forcer un peu ou renoncer déjà à cette étape-là. De trois : voir s’il est possible d’en placer une et voir si le locuteur peut devenir un interlocuteur. De quatre : si le point trois est franchi, commencer la discussion en osant se dévoiler. De cinq : Si l’autre accepte à priori ce que je transmets, ce que je dis, entrer dans une franche et cordiale conversation. De six : si le point cinq échoue, recommencer avec d’autres interlocuteurs afin que cette merveilleuse expérience ait vraiment lieu !

De beaux échanges et de franches rigolades à vous en ces fêtes de Noël et de fin d’années.

Paula Oppliger Mahfouf, catéchète professionnelle


Se préparer à quoi?

Chaque année, en Église, nous préparons Noël dès le temps de l’Avent, soit un mois avant la fête. Mais à quoi bon préparer Noël ? Tout le monde en connaît la date et une majorité de personne sait encore que c’est là que l’on fête la naissance de Jésus. Pas besoin dès lors de préparer quoi que ce soit avant le 18 décembre, pour se laisser quand même un peu de marge.

C’est oublier un peu vite que les grandes fêtes chrétiennes que sont Pâques et Noël sont précédées d’un temps de préparation. Et que si ce temps vise bien à préparer la fête, c’est autre chose que d’acheter de quoi fêter et de réserver une salle.

L’idée de se préparer devant Dieu a reculé dans les théologies actuelles, elle n’en demeure pas moins une nécessité. Il faut se préparer pour être capable de fêter pleinement, d’un cœur joyeux. Si, par le passé, il était nécessaire d’avoir accompli tout un cheminement en tant que pécheresse ou pécheur, aujourd’hui, il y a une autre préparation à vivre.

Une préparation qui permet de ne pas voir dans Noël une date incontournable dans un agenda ou encore un souci qui nous tombe dessus ; un moment de malaise, entre ce que nous souhaiterions faire et ce que nous pouvons et devons faire. C’est là qu’il y a nécessité de se préparer.

Il ne s’agit pas de faire illusion, de donner l’impression que l’on est ravi·e d’être là, alors qu’en réalité, on se demande comment l’on va payer la facture de trop et financer les cadeaux.

Il est temps pour nous de savoir ce qui est porteur de sens ; quelles rencontres nous apportent quelque chose, quels cadeaux ne sont pas des habitudes polies. Il faut se préparer pour pouvoir faire l’expérience du vivre-ensemble en étant soi ; pour oser arriver sans un joli paquet parce que les moyens ou le temps ont manqué.

Vivre Noël comme une pause, en étant bien entouré·e, bien accueilli·e. Cela se prépare. Il est difficile de pouvoir être soi malgré les contraintes. Mais c’est cela que Noël peut et veut nous offrir. Saisir cette occasion ne va pas de soi, ce ne sera peut-être pas cette année, ni la prochaine. Mais avoir la possibilité de saisir une telle occasion de libération est essentiel.

 

David Kneubühler, pasteur


Le crible triple … à deux coups !

Je ne sais pas vous, mais moi je suis parfois un peu effaré quand j’entends ou je lis tout ce qui se dit et s’écrit sur les réseaux sociaux, mais aussi au bistrot, au magasin, dans la rue… sur le Covid, sur le vaccin bien sûr, mais pas seulement, sur un peu tout ce qui fâche, je dirais !

Alors plutôt que de sauter à pieds joints dans l’arène, j’aime bien me rappeler d’un premier « crible » que proposait Socrate, le philosophe. Un crible que je vous présente sous la forme de cette jolie histoire.

Un jour, quelqu’un alla voir le sage Socrate et lui dit: « Ecoute, Socrate, il faut que je te raconte comment s’est comporté ton ami… »

« Arrête ! interrompit Socrate. As-tu passé ce que tu as à me dire à travers les trois tamis ? » « Les trois tamis ? » dit l’autre tout étonné. « Oui, mon ami, les trois tamis, les trois cribles. Regardons si ce que tu as à me dire peut passer par ces trois tamis.

Le premier, c’est celui de la vérité. Est-ce que tu as contrôlé que tout ce que tu vas me dire est vrai ? » « Non, je l’ai entendu raconter et... »

« Bien, bien, dit Socrate. Mais alors, c’est sûr, tu l’as fait passer à travers le deuxième tamis. C’est celui de la bonté. Est-ce que, ce que tu veux me raconter, si ce n’est pas tout à fait vrai, est au moins quelque chose de bon ? » « Et bien... on ne peut dire que ce soit quelque chose de bon ; au contraire... »

« Hum ! dit Socrate, essayons de nous servir du troisième tamis alors ; voyons s’il est utile de me raconter ce que tu as envie de me dire... » « Utile ? Pas précisément... »

« Et bien ! dit Socrate en souriant, si ce que tu as à me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, je préfère ne pas le savoir... et toi, je te conseille de l’oublier... »

La tradition chrétienne propose aussi un crible triple, à travers trois valeurs que présente Paul : la foi, l’espérance et l’amour. Et ce deuxième coup de crible me fait lui aussi réfléchir.

L’espérance, on l’a toutes et tous, je crois : c’est celle de s’en sortir !

La foi peut signifier confiance ou vérité. De la confiance, je n’en vois pas beaucoup. Par contre la vérité, tout le monde paraît la détenir !

Et l’amour ? L’amour de l’autre, même de l’autre qui ne pense pas comme moi ?..

Parce que selon Paul, si ces trois valeurs sont importantes, si elles « demeurent », la plus grande des trois… c’est l’amour.

 

Alain Wimmer, pasteur


Tic-tac, tic-tac

Tic-tac, tic-tac… vous l’entendez aussi cette horloge ? Celle qui nous rappelle que le temps file, que nous sommes sur la dernière ligne droite avant Noël, que les heures de jour diminuent et nous donnent l’impression d’avoir de moins en moins de temps.

Vous l’entendez aussi cette horloge, qui nous dit d’aller plus vite, plus efficacement, de faire plus de choses ? Et puis l’heure d’hiver qui arrive ce weekend n’est pas pour arranger ce sentiment.

Tic-tac, tic-tac, nous sommes pressé.e.s. Et en même temps, c’est le début de ces soirées où on se blottit à l’intérieur, où tout ralentit, la nature se prépare à un long sommeil. N’est-ce pas aussi le temps de prendre soin de nous ?

Prendre soin de nous, ce n’est que rarement ce que nous faisons de mieux. On dit qu’il faut aimer son prochain comme soi-même (Evangile selon Matthieu 22, 39). Mais on oublie bien souvent le « comme soi-même » ! Prendre du temps pour soi, ce n’est malheureusement pas une évidence. On se sent parfois coupables, on a l’impression qu’il y aurait plus urgent à faire. Mais qu’y a-t-il de plus urgent ?

En prenant soin de nous, de notre corps et de notre esprit, nous nous offrons la possibilité de nous ressourcer, de nous recharger, de ne pas être toujours en train de courir derrière les événements. Et ça, c’est un vrai cadeau. Car si nous ne courrons pas, ou moins, alors nous avons la possibilité de rencontrer ceux que nous croisons, de nous arrêter pour observer un nuage avec une forme rigolote, un enfant qui sourit.

Plus facile à dire qu’à faire, comme tout ! Mais peut-être qu’alors que l’hiver s’annonce, c’est là que devrait être notre priorité. Faire taire cette horloge qui nous presse tant, et laisser la vie nous guider dans un mouvement autre, dans lequel ce n’est pas le stress, mais les sourires qui nous guident. Nous ne sommes pas seul.e.s dans cette quête et de nombreux moments et événements sont proposés pour nous faire vivre autre chose que le stress. A chacun.e sa solution pour se ressourcer : les livres, le sport, la marche, l’église, la musique, la danse, la foi, le yoga, la méditation … connaissez-vous ce qui vous fait le plus de bien ?

Profitons de ce changement d’heure pour nous rappeler que le temps n’est qu’une indication, que ce n’est pas à lui de dicter entièrement notre vie.

Maëlle Bader, pasteure


La sagesse

Lorsque nous sommes enfants, nous devons souvent être « sage », même si on ne sait pas toujours ce que l’on a le droit de faire ou non. Une fois adolescent, on peut chercher les limites en faisant l’inverse de ce qui semble sage et une fois adulte, on se demande parfois si on ne l’est pas trop.

 

Mais qui sont les personnes qui devraient être le plus sage, le plus rempli de sagesse ? Pour moi, cela devrait être nos dirigeants. Et depuis le début de cette pandémie c’est une question que beaucoup de posent. Grande sagesse du conseil fédéral ou accumulation de grosses erreurs de jugement ?

 

Dans la Bible, le grand roi Salomon, lors d’un pèlerinage à Gabaon, a demandé à Dieu la sagesse et a reçu « un cœur sage et intelligent ». Quelques temps plus tard, 2 prostituées viennent voir Salomon avec un bébé, chacune affirme que c’est le sien. Salomon propose de partager le bébé en le coupant en deux avec l’aide d’une épée.

C’est ainsi que Salomon a su qui était la véritable mère du bébé, celle qui l’aimait assez le bébé pour lui sauver la vie, en acceptant de le perdre.

 

On pourrait dire que Salomon a eu la chance de recevoir cette sagesse. Cependant, pourquoi Dieu ne pourrait-il pas nous en donner à tous ? Il est souvent plus facile de prier pour des éléments concrets, comme réussir un examen, gagner au loto ou encore pour changer les autres que de demander à Dieu de nous aider à faire le bien autour de soi, d’être juste avec les autres.

 

Bien plus tard, quand Jésus à 12 ans. Il s’entraine à parler avec sagesse en passant 3 jours dans le Temple et en questionnant les maîtres juifs.

Sans que nous passions 3 jours complets à l’église pour se questionner sur l’essentiel, je suis convaincu que l’on peut faire de grands pas en (re)découvrant des textes, en les partageant, en priant. Nous pouvons aussi essayer de vivre l’amour du prochain en cherchant ce qui est juste dans notre quotidien.

 

L’amour du prochain c’est essentiel. Cependant Paul nous dit aussi que chacun de nous est le Temple de Dieu et qu’il faut en prendre soin car chacun est important pour Dieu. Cela peut se faire avec une bonne hygiène de vie, en prenant du temps pour s’amuser, pour rigoler ou encore pour prier. Et tout cela n’est pas facile tous les jours.

 

Apprendre à prendre soin des autres tout en prenant soin de soi, c’est déjà un signe d’une grande sagesse.

 

Julien Neukomm, catéchète professionnel


Oser la conversion écologique

Le christianisme d’aujourd’hui se préoccupe de la crise environnementale qui bouleversent le monde et ses saisons. De nombreux écrits ont vu le jours pour des théologies vertes qui disent quelque chose de notre rapport au monde, de notre rapport à la nature, du rapport à soi-même et aux autres. Dans les paroisses, plusieurs initiatives voient le jours. Nous arrêtons d’utiliser de la vaisselle jetable, nous favorisons le chauffage de nos lieux d’Eglises par des énergies vertes, nous investissons de l’argent pour des projets éco-responsables ici ou ailleurs, nous créons des groupes de réflexions qui thématisent les questions environnementales. Au milieu de ces activités que nous pourrions qualifier d’extérieures et certes indispensables, quelles seraient les ressources que peut mobiliser le christianisme pour nourrir l’intériorité de ses fidèles ? Car l’écologie ne se traduit pas seulement en actes (et cela est très cohérent avec la théologie réformée) mais il est question de l’engagement de notre être tout entier.

 

Il est d’emblée assez clair que rien dans la bible ne parle d’écologie à proprement parlé. Nous ne sommes ni des professionnels de l’écologie, ni de l’environnement. En revanche, dans notre livre, nous disposons d’un panel de ressources telles que la sobriété de vie, le partage et l’entraide. Et je crois qu’une transition écologique ne peut se faire si et seulement si elle va de paire avec une transition de notre cœur et de notre être tout entier. Cette transition est nommée « métanoïa » dans les textes bibliques et est traduite par conversion. Ainsi, outres les activités extérieures, nous avons la chance d’avoir un discours à notre portée qui met des mots sur la question du changement intérieur, comment l’aborder et l’accompagner. Appelés à réfléchir et à agir en faveur de notre planète, osons la conversion du cœur à la sobriété, dans la joie des petites choses, c’est là le début de toute démarche écologique.

 

 

Macaire Gallopin, pasteur

 

 

 

 

 


Le monde et l’arc-en-ciel

Ces premières semaines du mois de septembre nous offrent un soleil qui réchauffe, qui motive, qui nous donnerait presque envie de nous rassembler pour fêter cela. Mais se rassembler, ce n’est pas ce qui est le plus simple en ce moment. C’est vrai qu’il y en a des thématiques qui nous questionnent et qui nous séparent, parfois en des clans très distincts ! En premier plan de nos tensions, il y a la votation pour le mariage pour tous et le certificat COVID !

Sur ces thématiques, chacun.e son opinion, chacun.e ses convictions. Et à force, ces sujets sont mêlés d’énormément d’émotions et de souvent bien peu de fondements.

Si nous voyons bien ce qui nous sépare, je trouve intéressant de remarquer qu’il s’agit pourtant des mêmes soucis : prendre soin les un.e.s des autres, de nos personnes tout comme de nos libertés et possibilités. C’est d’ailleurs pour cela que nous sommes si sensibles ! Et qui possède la vérité ?

Il n’y en a peut-être pas. Voilà pourquoi on se déchire.

Comment trouver alors la paix et le respect de l’autre ? Comment le.a protéger, dans sa santé et dans ses droits ? Nous sommes en plein cœur du plus grand défi de l’humanité : vivre en communauté.

Si nous étions tou.te.s pareils, il n’y aurait pas de questions… tout serait simple ! Mais qu’est-ce que le monde serait barbant ! La plus grande richesse que nous avons c’est d’être différent.e.s, d’avoir des talents et des dons qui ne sont pas les mêmes. D’avoir des modèles de familles qui ne se ressemblent pas. D’avoir des vulnérabilités et des forces qui se complètent, s’alternent. Quand il y en a qui nous font rire et nous soulagent le moral, d’autres nous aident et allègent nos poids, tandis que d’autres encore veillent sur nous. C’est une sorte de danse, une balance qui s’équilibre parce que nous participons à ce mouvement de vie. Parce que nous nous écoutons, nous tentons de nous mettre à la place de l’autre, parce que nous vivons en communauté.

Peut-être que le symbole de l’arc-en-ciel pourrait finalement nous relier toutes et tous, comme un signe que nous sommes côtes à côtés dans ce monde. Chacun.e sa couleur propre, pourtant faisant attention à prendre soin de la couleur d’à côté, de se mélanger un peu à elle pour pouvoir en être proche.

N’est-ce pas cela que tente de nous rappeler le ciel, lorsqu’il se pare de ce phénomène impressionnant ? …

Maëlle Bader, pasteure


« Les choses ont leurs secrets, les choses ont leur légende », nous dit la chanson « Drouot » de Barbara. Les choses nous entourent et nous rappellent à elles. De la plus petite babiole insignifiante à la voiture soigneusement achetée, nous y avons mis notre intention et notre choix. Enfin, parfois ! Quel luxe de pouvoir le faire et d’être couverts de choses par d’autres gens qui veulent s’en débarrasser ou nous offrir quelque chose. Quel luxe d’avoir à notre disposition pléthore de matière inerte, dans le salon, la cuisine, les chambres à coucher. Nous pouvons jouer « à la maison de poupée » comme nous voulons, et meublez abondamment ou épurer au maximum nos lieux de vie, pour offrir au regard du visiteur notre image extérieure. Les choses font tellement partie de notre monde occidental, qu’il y a des professions à leur service. De l’ingénieur au décorateur d’intérieur, de la mécano à l’horlogère, c’est le cœur de notre économie qui bat dans les choses.

Etrange monde que le nôtre où se côtoye cure de bien-être dans le centre Zazen avec shopping effréné le samedi suivant. « Mais les choses murmurent si nous savons entendre » continue la chanson de Barbara. Une manière poétique de signifier pour moi que les choses sont davantage que juste « un truc acheté, reçu ou qui trainait là». Submergés par elles, nous ne les voyons plus vraiment même si nous les hiérarchisons en fonction de leur valeur. De la bouteille de PET à la chaise en bois, de l’ordinateur dernier cri à l’ampoule de la cuisine, où mettons-nous notre argent et de quoi avons-nous vraiment besoin ? Je crois qu’il est grand temps de se poser cette question et d’y répondre par et pour nous-même. J’en ajouterais une autre : « comment laissons-nous les choses remplir notre vie ? ». Ceci pour poursuivre, à travers cette plume, la réflexion de mon collègue David Kneubühler entamée il y a deux semaines, dans une autre plume parlant de l’urgence de faire quelque chose pour notre terre suite au rapport établi par le GIEC, le groupe d’experts international sur l’évolution du climat. Il ne s’agit plus de faire la morale, il s’agit de se secouer de manière individuelle et collective, en voyant, réfléchissant, entre autre, à ce que nous possédons et mieux encore, en traçant d’où viennent nos choses et comment elles sont faites.

Il paraît que c’est encombrant les choses, pour entrer dans le Royaume de Dieu. Il paraît que lorsque nous seront arrivés au seuil de la mort, elles resteront ici-bas.

 

Paula Oppliger Mahfouf, catéchète professionnelle


L'inaudible essentiel

Ce n’était pas une surprise, mais cela n’a pas fait plaisir pour autant le dernier rapport du Groupe d’experts International sur l’Evolution du Climat (GIEC) peint un avenir sombre pour la planète. La nouvelle a toutefois rapidement été chassée par d’autres, pas forcément plus importantes, parfois plus urgentes.

Les avertissements se multiplient. Il y a un large consensus scientifique, les incendies et les pluies de cet été nous ont rappelé la réalité du dérèglement climatique. Pourtant, nous continuons nos vies presque comme si de rien n’était. En 2006 déjà, le groupe de rap français IAM le chantait : « Tu parles d'une location, regarde un peu ce qu'on en a fait [de la Terre] ; Quand le vieux fera l'état des lieux, on fera une croix sur la caution. »

Certains avertissent, d’autres refusent d’entendre et de voir…Pour la foi chrétienne, il n’y a rien de nouveau à cette situation. Nombre de textes bibliques mettent en scène le peuple élu et ses élites, ses gouvernants sachant ce qu’il y a à faire et ignorant les avertissements des prophètes. Et la catastrophe venue, Dieu n’abandonne pas son peuple, il lui reste fidèle. Il n’y a pas de croix faite sur la caution.

Néanmoins, il serait bon pour nous de ne pas vérifier la fidélité de Dieu après que la température aura cassé le thermomètre. Il est temps d’écouter les scientifiques, les jeunes, prophètes d’aujourd’hui, qui nous appellent à changer d’attitude. Faisons-le, disons à nos élites, à nos gouvernants, qu’il n’est pas trop tard pour changer de voie. Le temps du « colibrisme », du petit geste de chacun·e pour éteindre l’incendie, est révolu. Des changements profonds s’imposent. Si trier ses déchets reste nécessaire, cela n’aura jamais l’impact d’une décision sur le commerce mondial.

Pour opérer ces changements essentiels, il va falloir laisser tomber des divertissements coûteux. Fini le tourisme spatial si cher à Jeff Bezos, ex-PDG d’Amazon ? Il faut l’espérer car la solution à nos problèmes ne sera pas dans le futur et dans l’espace, mais ici et maintenant. Osons innover et trouver de nouvelles voies, de nouveaux modes de vie pour préserver notre planète.

David Kneubühler, pasteur


Le dur apprentissage de la confiance

Le mot foi renvoie à celui de confiance. Faire confiance à Dieu, à soi, aux autres. Dis comme cela, c’est beau et c’est si facile. Mais voici que dans notre monde, cela n’a rien de si simple. Nous sommes prêtes et prêts à faire confiance, mais pas aveuglément. On veut être sûr de ne pas se tromper, de ne pas être trompé.

Pour illustrer ce problème de la confiance, voici une anecdote : une catéchumène d’une quinzaine d’années, m’expliquait qu’elle faisait confiance à sa meilleure amie pour gérer ses comptes de réseaux sociaux pendant les vacances. Elle la laissait sans problème avoir un accès à son intimité, à ses messages, et lui donnait la possibilité d’écrire en son nom. Belle preuve de confiance. Mais voilà que lorsqu’elle était en couple avec un garçon, elle devait avoir accès à tous ses comptes pour être bien sûre qu’il ne la trompe pas. Un choix radical de contrôle et de mainmise sur la vie de l’autre.

La foi chrétienne nous invite à ne pas faire de différence. À ne pas faire confiance à certaines et certains et à se méfier sans relâche d’autres personnes. Elle nous invite justement au « saut de la foi », qui est de faire confiance, de croire en soi, en l’autre, personne connue ou étrangère, en Dieu, malgré nos doutes. Et bien sûr qu’il y aura des espoirs déçus, des expériences douloureuses. Mais la vie est imparfaite, elle ne peut pas être maîtrisée en permanence. C’est bien cela vivre : oser, essayer, faire confiance envers et contre tout. Plus facile à dire qu’à faire. Mais avec les encouragements de Dieu et de sa communauté, j’espère bien que cela soit possible à chacune et chacun, car il n’y a rien de plus beau que de pouvoir vivre et de pouvoir le faire avec confiance.

David Kneubühler, pasteur


Votre résurrection, ce sera avec un ou deux glaçons ?

Les terrasses ont rouvert, les restaurants aussi, les restrictions diminuent lentement mais sûrement. C’est enfin la libération pour tous les consommateurs que nous sommes et la promesse d’un sauvetage voire d’une résurrection pour les bistrotiers et restauratrices.
En avez-vous déjà profité ? Êtes-vous déjà retourné boire un verre ou manger sur une terrasse ?

 

Eh bien moi, oui, ! J’ai eu le privilège de faire un entretien professionnel sur une terrasse où la dame que j’accompagnais et moi, avons dégusté notre première glace de l’année. Et ceci tout en discutant de Jésus, Dieu, Pâques, l’Ascension et la suite.

En cette période après Pentecôte, nous avons parlé des premiers chrétiens qui se retrouvaient, souvent autour d’un repas, pour parler de Jésus, de ce qu’ils avaient vécu et de la venue du royaume de Dieu.

Nous avons eu l’impression de faire « un peu pareil » même si notre glace n’avait rien d’une sainte cène. Nous l’avons savourée avec délectation, cette glace. De pouvoir, en plus, ressortir, profiter de l’air frais et de la douce chaleur du soleil revenu, voir des familles avec enfants et des jeunes s’amuser au parc, nous a donné un goût de renaissance !

Et vous, l’avez-vous ressentie aussi cette sensation de revivre ?

 

Alors je ne me fais aucune illusion et me doute bien que la religion ou Jésus n’est de loin pas le premier sujet de conversation tenu à l’apéro ! D’autant que les sujets brûlants de ce week-end de votations ne manquent pas. Que ce soit pour (ou contre) l’agriculture, la biodiversité, le climat, le CO2, les personnes en RHT, les (supposés) terroristes ou la liberté, leur mort assurée est annoncée par les un·e·s en cas de oui et par les autres en cas de non.

Du coup, les résultats de dimanche seront probablement pour certains synonymes de résurrection. Pour tous, le défi sera de refaire communauté, de continuer à vivre ensemble et de contribuer à un monde meilleur.

Alors n’oubliez pas de voter (si vous le pouvez) et au plaisir de vous croiser vivant·e·s…sur une terrasse.

 

Florence Ramoni, catéchète professionnelle


La plume de Macaire Gallopin

Absence créatrice

 

 

Après l’ascension et pentecôte, c’est la route de l’absence qui s’ouvre pour les croyants du monde. C’est l’absence concrète de celui qui a fait le lien entre Dieu et les humains. Il part, encore une fois.  Alors commence l’errance des croyants, livrés à eux-mêmes, sans maître de vie, sans personne à suivre. Absence…

 

L’absence est un thème qui caractérise chacune de nos existences. Nous avons tous et toutes ressentis de la solitude, lorsqu’une personne qui nous était cher n’est plus là, lorsqu’une personne est partie en voyage pour longtemps, quand un de nos proches est à l’hôpital. Ce que nous ressentons est un manque, qui nous paraît insurmontable. Quand nous y pensons, nous avons envie de pleurer, car celui ou celle qui donnait tant de sens à notre vie, n’est plus là, du moins pour un instant. Là aussi, commence l’errance, le sentier difficile du deuil, la reconstruction émotionnel et psychique qui n’est jamais donnée d’un seul coup, et qui est un travail de longue haleine.

 

Si l’absence résonne en nous comme quelque chose de négatif, les textes bibliques peuvent parfois nous indiquer que l’absence détient aussi quelque chose qui ouvre à la vie. L’absence, c’est le début du chemin. Elle nous force à nous poser cette question si centrale de l’existence : où vais-je maintenant ? où vais-je maintenant ?

 

Et c’est là que l’absence devient force créatrice car elle nous pousse à redessiner un chemin, à redonner un sens. C’est ce moment où, le souvenir de celui qui nous a marqué, celui qui nous a accompagné devient à nouveau force de vie. Et je crois que cela est tout le témoignage du Christ que nous retrouvons dans plusieurs passages des évangiles. C’est comme s’il il nous disait maintenant : « allez-y ! C’est à votre tour de jouer !  Je crois que vous en êtes capables, je crois en vous ! Je suis avec vous malgré l’absence physique ».

 

Alors, dans cette période d’errance après l’ascension et pentecôte, recevons ces paroles encourageantes qui nous propulsent vers la vie et la quête de son sens.

 

 Macaire Gallopin, pasteur

 

 

 


La plume d'Alain Wimmer

L’Ascension, quelle fête !?

La tradition a fait de ce qu’on appelle l’Ascension une fête… et un jour de congé. Mais à y réfléchir un peu, c’est une drôle de fête. Parce qu’à première vue en tout cas, l’événement qu’elle évoque n’est pas vraiment réjouissant.

Ce qu’elle évoque… c’est Luc qui en parle dans son évangile et dans les Actes des apôtres quand il écrit que Jésus « s’éleva et qu’une nuée vint le soustraire au regard de ses disciples ».

Ce qu’elle évoque : un départ en fait, la fin de la présence de Jésus « en chair et en os » auprès de ses proches, auprès de celles et ceux qui avaient partagé sa vie et son engagement jusque-là.

 

L’Ascension, une manière imagée de raconter quelque chose de pas festif, de pas réjouissant du tout, en fait : le départ d’un ami, d’un maître. Comme un abandon. Alors pourquoi en faire une fête ?

De manière imagée encore, le récit donne lui-même la réponse quand il raconte que deux hommes en habits blancs se présentent aux proches de Jésus et leur disent : « gens de Galilée, pourquoi restez-vous, plantés là, à regarder vers le ciel ? »

Si l’Ascension est une fête, c’est parce qu’elle est un appel. Un appel à la responsabilité et un appel à avancer. Un appel aux proches, aux disciples de Jésus, que nous sommes nous aussi, aujourd’hui encore.

Un appel à la responsabilité : non, l’ami, le maître, le seigneur qu’a pu être Jésus n’est plus là, en chair et en os, pour nous donner la main et nous guider. C’est à nous de nous prendre en main, désormais. C’est peut-être dur, mais en même temps, c’est une immense chance qui nous donnée dans cette liberté d’action !

Et un appel à avancer : nous humains, ne sommes pas faits pour rester plantés, nous sommes destinés à marcher, à avancer. Et nous n’avons pas à regarder ailleurs, en arrière ou même vers le ciel. Nous avons à regarder devant nous et à avancer. Et pas à avancer chacun pour soi, non à avancer les un?e?s avec les autres, les un?e?s pour les autres. A avancer main dans la main – même si pour quelques temps encore, cela aussi est imagé !

 

Alain Wimmer, pasteur


La plume de Richard Riesen

En marche !

Nous savons tant de l’évangile, pourrions donner d’excellents conseils aux autres, mais pour les appliquer c’est une autre chanson, il y a parfois un décalage entre nos désirs et la réalité. Nous savons que Christ est ressuscité, qu’il a tout accompli, qu’il nous offre la vie éternelle, pourtant parfois un petit grain de sable peut nous déstabiliser. Un peu comme à Pâques, ces 2 disciples d’Emmaüs (Luc 24/12-35), sont tristes. Pourtant Jésus est ressuscité des morts, mais ils le ne le réalisent pas, même s’ils ont déjà entendu que les femmes ont raconté qu’il était vivant. Jésus marche avec eux, mais ils ne le remarquent pas, leurs yeux sont empêchés de le reconnaître. Alors Jésus commence de s’adresser à leurs oreilles.  

 Ils sont encore bloqués : tout d’abord par leur regard, tourné  uniquement vers le passé, ce qui s’est passé avec Jésus jusque-là, mais ils n’ont pas encore reçu dans leur cœur ce regard de Pâques qui est tourné vers l’avant, vers le futur, vers la promesse de leur propre résurrection suite à la résurrection de Christ. Le 2ème blocage provient de leur idée de ce que ferait Jésus : « nous espérions que ce serait lui qui délivrerait Israël », ils s’attendaient à un départ en fanfare, grandiose, un roi puissant, et surtout pas un déroulement comme l’arrestation, le procès et la mort de Jésus. Ils n’arrivent pas envisager que Jésus agit peut-être différemment de leurs réflexions. Comme pour nous, parfois Dieu ne semble pas agir selon nos idées ou conceptions, alors on peut soit vouloir changer Dieu, ou nos idées. 

 Les disciples d’Emmaüs, pas indifférents au message de Jésus, loin de là, n’ont pas encore saisis l’essentiel de la bonne nouvelle de Pâques, que Jésus est ressuscité et marche avec eux. Jésus écoute ce qu’ils disent, il prend leurs problèmes au sérieux, il ne balaie pas cela d’un revers de la main. Il désire savoir où se situe leur problème, et seulement ensuite il répond. Il n’a pas une réponse toute faite, mais une réponse à tout. Ce n’est pas la même chose. Après avoir écouté leur problème, Jésus leur parle et continue de marcher avec eux, il n’intervient pas avec un tonnerre ou un feu du ciel.  

Il explique les écritures, tout simplement, et rend grâce, romps le pain et le leur donne. C’est là qu’ils reconnaissent Jésus, qui avait dit : «  ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a  envoyé ». Jésus présent, ressuscité, donne du pain à ses disciples, il nous donne la force de le suivre et d’accomplir sa volonté.

 

Richard Riesen, pasteur

 

 


La plume de David Kneubühler

L'espoir envers et contre tout

 

Le temps pascal dans lequel nous nous trouvons est un temps de joie et d’espoir pour les chrétiennes et chrétiens. De joie et d’espoir, car cette fête célèbre le triomphe de la vie sur la mort. Elle affirme avec force que si la mort est bien une fin, elle n’est pas obligée d’être la toute fin.  Une conviction difficile à entendre. Et pourtant, c’est bien elle qui est au cœur de ce temps de fête et de la foi chrétienne.

Ce n’est toutefois pas une conviction hors-sol, qui ferait fi de la douleur de la mort et de la séparation. Car avant Pâques, il y a Vendredi Saint : le procès inique, les châtiments physiques et la mort en croix. Ce n’est donc pas une fête qui méconnaît les douleurs et les duretés de la vie. C’est une célébration qui en tient compte mais qui proclame qu’il y a plus que cela, qu’il y a autre chose de possible, même si nous ne pouvons pas le croire.

Et ce qui est particulièrement fort à Pâques, c’est que malgré la brutalité du vendredi, le dimanche l’espoir est déjà de retour et avec beaucoup de force. La tristesse, l’abattement, n’ont pas vraiment le temps de s’installer. Il n’y a pas de notion d’attente, mais une quasi immédiateté. Comme pour nous rappeler que si parfois l’espoir peut nous quitter, il ne disparaît jamais longtemps.

Évidemment qu’en ces temps de pandémie, ce message a un autre impact. Nous sommes désormais prisonnières et prisonniers d’un temps court, où rien n’est certain au-delà d’un point déterminé dans un futur proche. Et voici que le message de Pâques bouscule cette vision morose, sans nier les difficultés et souffrances que nous connaissons. Cette fête nous rappelle la force de vie qui déjoue nos attentes, dépasse notre compréhension, ne tient pas compte de nos plans.

Ainsi, si Pâques ne marque pas cette année une sortie de la pandémie, c’est assurément une bouffée d’oxygène. Un signe traditionnel d’espérance et de joie qui peut trouver une nouvelle place, donner un nouveau sens dans nos vies, ici et maintenant.

 

David Kneubühler, pasteur


La plume de Macaire Gallopin

En route vers la vie!

Pâques approche à grand pas ! Mais ça veut dire quoi Pâques aujourd’hui ?

 

Les rayons de nos supermarchés se sont parés, depuis déjà un mois, de lapins en chocolats et œufs en sucre ou de couleurs. Une effusion de douceurs se dégagent dans les airs. A l’origine, la fêtes de la Pâques commémorent la sortie d’Égypte des hébreux en esclavage, une fête sommée Pessah, où, dans la tradition juive, on mangeait des pains sans levain en mémoire du départ précipité de l’Égypte. Pâques, historiquement, est d’abord commémoration d’une libération. Puis, dans la figure de Jésus de Nazareth, Pâques pour les chrétiens commémorent sa mort et sa résurrection. Là aussi, il est question d’une libération, libération de la mort, libération d’une oppression politique qui dit quelque chose comme cela : la mort et l’enfermement n’auront plus jamais le dernier mot.

 

Et je crois que ce thème de la libération est tout à fait d’actualité pour nous aujourd’hui. La question que nous pouvons nous poser est la suivante : et nous, de quoi sommes-nous appelés à être libéré dans nos propres vies ?

 

Certes nous espérons de tout notre cœur de pouvoir abaisser nos masques et que la pandémie qui nous empêche encore une fois de nous rencontrer cesse. Nous espérons peut-être libérer notre environnement de l’activité polluante et nocive de l’être humain. Nous espérons être libéré de nos prisons intérieures, celle qui nous enferme sur nous-même et nous coupe du monde. Certains espèrent être libéré d’une maladie qui les empêche de vivre correctement ou d’autres d’un d’une peine liée à un deuil.

 

Si Pâques est la fête de la libération, alors je crois qu’elle peut encore porter ce symbole aujourd’hui pour chacun de nous, avec ce qui fait notre histoire, notre existence. C’est une mise en mouvement, comme ce peuple d’Israël qui a quitté l’Egypte, comme ces disciples et amis de Jésus qui ont espéré au-delà de la mort. Pâque nous met en route, et nous fait nous aussi passer de l’ombre à la lumière, de la peine à l’espérance, de la solitude au partage.

 

Alors, pour dire ce qu’est Pâques aujourd’hui, nous pourrions le résumer ainsi : en route vers la vie !

 

Macaire Gallopin, pasteur


La plume de Maëlle Bader

8 mars et ensuite ?

Lundi 8 mars, je me lève en me rappelant que c’est la journée internationale des droits des femmes. Je me dis que peut-être aujourd’hui, le monde fera une avancée dans la reconnaissance que tous les êtres humains sont égaux. Qu’il n’y a aucune raison de discriminer quelqu’un pour son genre, son sexe ou son orientation. Et puis j’ouvre les journaux, internet… et je vois les publicités ! Des réductions sur des parfums, de la lingerie ou des rouges à lèvres ! Est-ce qu’être femme cela veut simplement dire « être jolie » ?

J’aimerais mettre à l’honneur les femmes dans cette plume. Les femmes connues de l’histoire, Marie Curie ou Rosa Parks, celles dont on ne connaît pas le nom, par exemple celles qui se sont battues pour le droit de vote en Suisse dans les années 70.  Mais surtout, toutes les femmes qui vivent dans un monde qui n’est pas tout à fait, voire pas du tout, égalitaire. A nos grands-mères, nos mères, nos sœurs, nos filles. A toutes ces femmes qui nous inspirent, nous écoutent, nous entendent et nous encouragent. Si parfois nous pouvons avoir l’impression d’être moins importantes, d’être effacées, moins considérées, j’aimerais nous dire à toutes que nous ne sommes pas seules !

Nous connaissons toutes et tous cette phrase qui dit « derrière chaque grand homme il y a une femme », peut-être qu’il est temps de passer à une nouvelle version. Et pourquoi pas « derrière chaque grande personne il y a un entourage » ? Cela marque moins les esprits, mais c’est pourtant bien plus proche de la vérité.

Il me plaît aussi à rappeler que dans la Bible, ce sont bien souvent les femmes à qui on délivre les messages les plus importants. C’est une femme Samaritaine que Jésus envoie annoncer son message (Jean 4), ce sont aussi les femmes qui découvrent le tombeau vide et partent annoncer la résurrection selon la demande d’un ange (Marc 16).

Mettons les femmes à l’honneur, non pas pour leur coquetterie ou leur soutien aux hommes, mais pour ce qu’elles sont, des être humains dotés de forces, de rêves, d’ambitions et de convictions. Alors, quelles sont les vôtres ? Quelles sont celles des femmes de votre entourage ?

Au lieu de rêver les publicités, écoutons-nous ici, pour ce que nous sommes : des êtres humains semblables, égaux et dont la parole de chacun.e est essentielle !

Maëlle Bader, pasteure


La plume de Matteo Silvestrini

 

 

Un étrange arrêt sur image

 

Samedi passé j’ai été frappé à mon réveil par l’étrange luminosité qui enveloppait l’air, le ciel et nos montagnes. Cette invitation inattendue du sable du Sahara, colorant notre ciel à la façon d’une photo « sépia » m’a plongé dans une ambiance à la fois inquiétante et enveloppante. Deux images me sont apparues à l’esprit. La première image est celle de « La chanson d’Azima », de Michel Berger, chantée par France Gall, avec ces célèbres paroles « et le désert avance ». La deuxième est celle du film de Cédric Klapisch, dont le titre était « Peut-être » et qui est sorti en 1999. Ce film met en scène Paris en 2070 entièrement couvert de sable, vivant comme chez les Touarègues. Le sable sur ma voiture m’a rappelé l’image finale du film, celle des parisiens se baladant dans leur ville le premier matin de l’an 2000, avec les premiers grains de sable tombant de manière visible. Certes, les experts nous ont rassurés, le phénomène est tout compte fait banal et ne signifie pas que le désert « avance ». Et pourtant la chanson de France Gall et le film de Klapisch dénoncent justement l’insouciance de notre société face à la réalité des déserts qui avancent, que ce soient les sables du Sahara qui engloutissent pour de vrai villages et oasis, ou que ce soient nos débâcles, les crises et les conflits provoqués par l’être humain. Le ciel sépia du week-end passé, m’a donc semblé une métaphore de ce que nous vivons. Le sépia est souvent utilisé en photographie pour donner un effet nostalgique et l’idée d’un passé qui s'accroche. Nous nous accrochons à des tendres souvenirs qui s'effacent sans s'effacer. Le tout entouré d’une sourde inquiétude pour le futur. L’arrêt sur image donné par cette crise sanitaire se colorie de sépia. Comment dépasser ce stade ? Une porte de sortie m’a été suggérée par une paroissienne de Saint-Imier. Elle nous a écrit sur un groupe WhatsApp ces mots, que j’applique à la « porte de sortie » : « Elle me fait penser à une longue chaîne humaine partie depuis la création du monde où chaque être humain a pu et peut encore apporter et partager avec son prochain la foi, l’espérance et surtout l’amour. Mon souhait est que chacun.e puisse y accrocher son petit maillon pour l’éternité ». Devant le risque de « mourir d’impuissance », comme les Touarègues de la chanson, approprions-nous de ce souhait !

Matteo Silvestrini, pasteur


La plume de Paula Oppliger Mahfouf

 

Je m'étais promis, dans nos bras

Je m’étais promis, en mars 2020, quand tout a commencé, que je saurais le faire. Je m’étais promis quand tout serait fini, qu’ils me verraient le faire.

Une promesse à soi-même, c’est bien peu, ça ne se voit pas, on peut la renier quand on veut, l’évacuer de son esprit, la laisser au placard de sa conscience, la remettre à plus tard. Mais le temps presse, nous sommes bien peu de chose. Et puis le quotidien reprend le dessus : courses, ménage, travail, écrans, collègues à côtoyer, livres qui attendent, enfants à consoler, urgences et cette promesse à retenir. Nous sommes déjà en 2021, et bientôt une année se sera écoulée depuis que je m’étais promis de faire la démonstration de ma tendresse à ceux que j’affectionne. Des gestes simples, ouvrir les bras et à les refermer sur elle-lui, avec quelques pressions des mains pour exprimer combien ils nous sont chers. Pour l’instant je m’en tiens à mes tout, tout, proches et c’est cela que je voulais changer. Je voulais élargir ma capacité à aimer et surtout, à le manifester. Quand la bise fut proscrite, quand la poignée de main fut annulée, j’en fus soulagée et triste à la fois.

Les femmes, dans nos contrées, reçoivent la bise. Trois becs souvent mal placés sur des joues tout aussi frileuses que ces bisous. Les jeunes, eux, n’en font plus qu’une, légère, volage et qui, ainsi, se distingue de ces trois becs protocolaires et vieux jeu. Les hommes, se donnent la main, une poignée franche ou molle, engagée ou du bout des doigts. Ce que j’apprécie dans ces contacts oh combien de proximité pour la période que nous vivons, c’est de renifler autrui. J’aime les odeurs sans m’en effrayer, elles me donnent des indications sur les gens et mis à part pour quelques exceptions, elles sont plutôt difficiles à détecter puisque nous nous en cachons. La poignée de main est aussi un bon indicateur de qui est qui et ce serait un vaste sujet sur lequel écrire encore. Ce que je m’étais promis n’arrive pas, ne peut se pratiquer à l’heure actuelle. Je garde cela au frais et j’essaie, en attendant, de faire la démonstration de l’amour avec les mots. Ceux-là, précieux, doux, rond, dont on ne doit pas être économes. Les « mercis, une fois, mille fois », les « va, et à ton rythme », les « c’est bien, c’est bon, ce que tu fais là ». Il y en a beaucoup et vous les connaissez aussi ces mots doux et banals qui changent tout.

Disons des mots, en attendant de serrer ceux que nous voulons, dans nos bras.

 

Paula Oppliger Mahfouf, catéchète


La Plume de David Kneubühler

 

Une vérité qui dérange

Alors que nous vivons dans une société où l’information est aisément accessible, la vérité semble être un concept très difficile à vivre. Qui dit vrai dans la gestion de la pandémie ? Dans l’élection américaine et ses suites ? Nous avons tellement de sources contradictoires, qu’il faudrait ordonner, classer, que nous ne nous en sortons plus. Et nous glissons alors doucement d’un débat sur les faits à un débat sur la vérité. La raison cède la place à l’émotion, le raisonnement critique à la croyance. Et ce n’est pas un mal que de se dire dépassé, incapable de savoir, de comprendre. Mais nous avons de la peine à le faire. Car précisément, la vérité nous dérange. Elle nous dérange car le mensonge est bien plus confortable. Combien de fois choisit-on de mentir plutôt que de dire la vérité parce que la vérité est exigeante, nous coûte ? Car la vérité n’est jamais bon marché. En permettant de voir les choses comme elles sont, elle n’embellit rien. Tandis que chaque mensonge permet de petit à petit construire des images qui plaisent. Et cela n’arrive pas uniquement dans nos relations aux autres, cela arrive aussi dans la relation à nous-mêmes. Nous n’osons pas reconnaître nos instants de faiblesses, les choses qui ne vont pas. Car nous avons peur du jugement des autres. Peur que la vérité, en plus d’être peu agréable pour nous, attire sur nous le jugement et la critique du groupe.

Le christianisme connaît déjà ces problèmes. Le Nouveau Testament parle régulièrement du côté désagréable de la lumière, de la vérité. Et pourtant, les auteurs du Nouveau Testament et Jésus lui-même encouragent à cette vérité. Parce qu’elle dérange, parce qu’elle oblige à avancer. Elle invite à s’accepter avec sa faiblesse à un moment donné. Pour pouvoir retrouver des forces. Avec Dieu, avec les autres, qui au lieu de juger cette faiblesse, par l’expérience de leur propre faiblesse, soutiennent la personne la plus faible. Si cela n’a pas d’application directe dans les débats de gestion de crise, dans nos quotidiens oui. Pouvoir s’accepter, pouvoir accueillir l’autre comme il est, c’est quelque chose qui permet de traverser de nombreuses crises pour vivre mieux. N’en faisons donc pas une bonne résolution de début d’année, mais bien un objectif de vie, difficile et exigeant à atteindre, mais qui permet en ces temps difficiles de continuer à avoir des forces en tant qu’individu et en tant que société.

David Kneubühler, pasteur


La Plume de Richard Riesen

 

L’Avent

Pour le commun des mortels, le temps de l’Avent est simplement le temps avant Noël. Or l’Avent désigne en fait la venue de Jésus-Christ,  le mot « Avent » étant  dérivé du latin advenire (« arriver »). Ce mot désigne donc l'arrivée, la venue de Jésus-Christ dans le monde, c'est-à-dire sa naissance, et finalement, par catachrèse, un temps liturgique avant Noël. La couronne de l’Avent elle remonte au 19ème siècle, le pasteur luthérien Johann Hinrich Wichern (1808-1884) avait fondé la  Mission intérieure d’Allemagne. Cette institution recueillait des enfants très pauvres dans une ferme et il s’occupait d’eux. Comme, pendant le temps de l'Avent, ils lui demandaient toujours quand Noël allait enfin arriver, il fabriqua en 1839 une roue en bois, avec vingt petites bougies rouges et quatre grandes bougies blanches pour les dimanches.Chaque matin, une bougie de plus était allumée et les enfants pouvaient compter combien il restait de jours jusqu’à Noël. Plus tard on n’a gardé que les grandes bougies, pour les 4 dimanches de l’Avent.

L’Avent c’est donc la venue de Jésus dans le monde, et le temps de l’Avent une attente joyeuse et confiante de la venue de Jésus. Mais étant donné que Jésus est déjà venu dans le monde, alors je peux dire qu’aujourd’hui nous sommes dans le 2ème Avent, l’attente du retour de Jésus, la parousie.

Dans la théologie chrétienne confessante, la seconde venue de Jésus est le retour glorieux de Jésus-Christ afin d'établir définitivement le Royaume de Dieu. À la demande des disciples pour connaître le jour, Jésus a répondu : « Veillez et priez; car vous ne savez quand ce temps viendra ».

Inutile de se perdre en conjectures, l’essentiel est de se confier en Dieu et son amour.

Richard Riesen, pasteur


La Plume de Maëlle Bader

 

Un voile blanc

Cette semaine, alors que nous entamons nos calendriers de l’Avent, que nos décorations de Noël ressortent de leurs cartons et du fond de leurs armoires, voici que nos villages se couvrent d’un voile blanc.

Nos paysages se sont transformés en une nuit, s’unissant d’un bout à l’autre sous le même drapeau blanc, quelques jours à peine après des votations qui nous ont partagées. Et dans une période où il est déconseillé de se retrouver, de se rassembler, qu’il est bon de voir que la nature nous unit et nous rassemble !

Je ne sais pas vous, mais moi la neige m’apaise. Quand ces flocons tombent tout doucement, comme s’ils étaient suspendus dans le ciel, cela me rappelle que nous vivons dans un monde qui va bien vite, qui nous oblige à un stress qui est parfois plus que démesuré. Alors je regarde ces flocons qui dansent devant moi et j’essaie de prendre le temps, de respirer à leur vitesse, puis de trouver ma vitesse à moi.

Et alors je me demande, dans ces semaines compliquées, de quoi ai-je besoin pour moi ? de quoi avons-nous besoin pour aller bien, pour ne pas nous laisser écraser par les mesures sanitaires, par la solitude ou par la quantité de travail ? est-ce que vous aussi vous vous posez ces questions ?

Je me rappelle alors que la neige ne danse pas pour rien, et cela fait écho avec un texte biblique : « La pluie et la neige tombent des cieux, mais elles n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir rendue fertile, sans avoir fait germer les graines. Elles procurent ainsi de la semence au semeur et du pain à celui qui a faim. »  (Esaïe 55, 10).

Voilà que cette neige nous est tombée dessus, qu’elle agrémente nos paysages et les terres de nos régions. Peut-être qu’en plus, c’est également pour nous rappeler que nous sommes reliés et que nous offrir un zeste de magie de Noël dans ces premiers jours de l’Avent… et faire pousser quelques graines d’espoir, d’amitié et de solidarité.

Quelques flocons pour nous interpeller sur nos vies et peut-être nous donner envie de faire quelques mouvements de danse légère avec eux ?

Alors bon temps de l’Avent à chacun et chacune, que la neige tombante et les lumières qui s’allument partout réveillent aussi espoirs et forces en vous !

Maelle Bader, pasteure


La Plume d'Alain Wimmer


Le temps commence à être long… disait la grenouille !

Cette fois, le temps commence vraiment à être long ! Le temps de la pandémie je veux dire. En mars, on a tenu bon, on s’est tenu les coudes, confinés que nous étions. Et voilà que ça recommence, en pire. Et voilà que c’est parti pour durer nous dit-on. Oui, vraiment nous devons faire preuve d’une drôle de persévérance !

De la persévérance… cela me fait penser à cette fable un peu grinçante que je vous livre ici.

Trois grenouilles curieuses s'aventurèrent un jour hors de l'étang pour explorer le monde. Arrivées dans la cour d’une ferme, des poules les aperçurent et fondirent sur elles pour les dévorer. Paniquées les grenouilles s’enfuirent et sautèrent dans le premier bidon venu pour se protéger, un bidon de lait que le fermier avait posé devant la porte de l’étable.

Elles se retrouvèrent à nager dans le lait. Mais il leur fallait sortir de là au plus vite, avant que le fermier ne revienne. Elles firent essai sur essai, mais l'embouchure du bidon était étroite et ses parois d'acier étaient lisses et glissantes.

La première grenouille était une fataliste. Elle se débattit un moment et dit: "Jamais nous ne sortirons d'ici. C'est la fin !" Elle se laissa couler. La deuxième grenouille était une cérébrale connaissant parfaitement les lois de la physique et de la balistique. Elle exécuta rapidement tous les calculs et fit le saut avec toute la vigueur voulue. Mais, dans ses calculs, elle n’avait pas prévu l'anse du bidon. Elle s'y cogna et coula. La troisième grenouille était une persévérante... Pas un seul instant elle ne cessa de nager de toutes ses forces. Le lait se transforma en un beurre glissant mais ferme. En s'y appuyant, la grenouille réussit facilement à sauter hors du bidon…

De la persévérance… oui, il nous en faut et il nous en faudra. Mais plus que cela encore. Parce que cette fable des grenouilles, elle a un peu le côté moralisateur des bons conseils, des « il faut que… » et des « il suffit de… ». Le Nouveau Testament parle souvent de persévérance dans l’épreuve : c’est que les premiers chrétiens ont vécu dans un contexte de persécutions. Mais, ce qui est frappant, c’est que la persévérance y est souvent associée avec l’amour : il ne faut pas persévérer pour persévérer. Il faut persévérer à aimer et c’est le fait d’aimer et d’être aimé qui permet de persévérer.

Dans une de ses lettres Paul dit de l’amour qu’il ne disparaîtra jamais. Et nous nous pourrions peut-être dire : oui, le temps commence à être long… mais l’amour est éternel !

Alain Wimmer, pasteur


La Plume de Paula Oppliger Mahfouf

 

À prendre ou à laisser: l'invitation au courage

C’est avec bien des appréhensions que j’entre à chaque fois “dans“ la page blanche : « Vas-y c’est à toi de faire cette plume pour le journal! Vas-y, prends ton courage à deux mains et écris ! Vas-y reprends chaque matin ton existence et avance ! »

Et encore : « Sors de toi-même, secoue-toi, ne te lasse pas, n’arrête pas le combat, agis, mobilise ton énergie, sauve le monde, la nature, les animaux » !

En m’entendant souvent dire ces injonctions auto-autoritaires, je constate qu’elles sont portées par l’action et le mouvement. Tête en avant, corps en alerte, cœur magnanime, oreilles tendues et yeux aux aguets ! Je sais que ce courage m’a été donné il y a fort longtemps par une fée vétue d’une magnifique robe couleur des temps et par un mage à longue barbe blanche dans une grotte sombre et envahit de serpents et d’araignées. Non je déconne, en fait ces appels au courage m’ont été transmis par ma maman qui me voyant dépitée d’aller chaque jour à l’école me disait : « allez, ça ira, vas-y » et par mon incroyable professeur de chant qui lui parlait du juste mot, m’exhortant avant d’importants examens d’une grosse voix de basse ferme et lyrique, à rester digne chanteuse, en me lançant des « Cooooooraggio Paola».

Cependant, c’est parfois épuisant d’être ainsi au taquet, de sortir tout son jus et de donner jusqu’à la dernière cellule de son corps pour défendre ses idées, mettre son énergie dans l’entreprise et passer parfois pour l’illuminée de service. Du coup je comprends, les pleutres, les lâches, les poltrons, et les couards et les froussards. Je les comprends d’autant plus qu’ils savent doser et mesurer leurs élans, leurs éclats, et se montrer braves quand il le faut vraiment ! Du moins j’ose l’espérer.

Ce que j’aime beaucoup dans le courage c’est sa racine latine « cor »  d’ou vient le mot cœur. « Car là où est ton trésor là aussi sera ton cœur » dit très justement l’évangéliste Matthieu (Mt 6, 21).

Et de terminer cette plume avec cette nouvelle injonction : pour avoir du courage, il faut en avoir reçu et pour en recevoir il est bon d’avoir le courage d’en donner.

Pour vous en donner, voici quelques citations de sages.

De Virgile : « Macte nova virtute, puer, sic itur ad astra (déploie ton jeune courage, enfant. C’est ainsi qu’on s’élève  jusqu’aux astres »

Et la dernière de Confucius : « il faut que le disciple de la sagesse ait le cœur grand et courageux. Le fardeau est lourd et le voyage est long. »

Paula Oppliger Mahfouf, catéchète professionnelle et prédicatrice laïque


La plume de Serge Médebielle

 

Dieu veut cesser de planer

La Bible commence par la célèbre et grandiose phrase : « Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre ».

Moins célèbre, et plus inquiétant, est le second verset de la Bible : « Et la terre était chaotique et vide, et les ténèbres étaient sur la face de l’abîme ; et l’esprit de Dieu planait sur la face des eaux ».

Le Talmud, vaste commentaire hébraïque, interprète le second verset de la Bible : « Tel est la voie de la création : d’abord les ténèbres, puis la lumière. »

Cette parole résonne comme un appel : de même que nous sortons du ventre maternel dans un monde lumineux, nous sommes appelés à passer de l’ignorance au savoir, de la barbarie à la civilisation, de l’égoïsme à l’altruisme, du trouble à la sérénité, du doute à la confiance, du défi à l’accomplissement.

D’abord les ténèbres, puis la lumière. Pas l’inverse.

Le Talmud interprète la deuxième partie de notre verset (la partie où « l’esprit de Dieu - littéralement en hébreu - voltigeait au-dessus de la surface des eaux ») et explique : « c’est l’esprit du Messie ».

 

Esprit qui planait au-dessus, attendant de se produire, dès la plus lointaine origine, alors même que le temps, l’espace, l’énergie et la matière émergeaient de « l’eau », de l’informe et du vide au premier jour de la création.

La bonté et la perfection sont donc là, planant autour de nous, attendant d’être ancrées dans la réalité et révélées.

Dans l’Antiquité, certains avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête et de nos jours nombreux sont ceux qui s’interrogent : « qu’est-ce qui va encore nous tomber sur la tête ? ».

Le croyant, quant à lui, désire que l’esprit de Dieu ou du Messie (Christ) se pose sur sa vie et sur le monde (sans lui tomber dessus !) afin que nous passions patiemment du chaos à l’harmonie, des ténèbres à la lumière.

Le Seigneur veut cesser de planer pour se poser sur toi, moi : nous tous.

Serge Médebielle, pasteur


La Plume de Matteo Silvestrini

 

La xénophobie de Jésus guérie par une femme

Dans l’évangile de Matthieu au chapitre 15,21 nous trouvons une histoire forte étonnante.

Une femme cananéenne, une étrangère, s’approche de Jésus et lui demande de guérir sa fille. Jésus ne répond rien. Silence. Un silence lourd pour cette femme en proie au désespoir. Comme elle insiste, Jésus prononce des mots très durs à son égard : « Je n’ai été envoyé qu’aux moutons perdus de la maison d’Israël ! ». « America first », dira Trump quelques siècles plus tard. Il a sûrement dû penser que cette femme ne cherchait qu’à profiter de ses capacités de guérisseur, sans comprendre le sens profond de la foi juive.

La femme insiste encore ! Elle se jette à ses pieds et implore de l’aide. Jésus la regarde et lui dit : « Ce n’est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens ». Jésus y est allé un peu fort, il la traite de chienne, juste parce qu’elle n’est pas juive !

La conversion arrive grâce à l’attitude de la femme. Elle ne se fâche pas, elle ne l’insulte pas en retour, elle ne part pas en larmes et découragée. Elle réagit, en prenant sur elle l’insulte de Jésus. Elle lui répond : « C’est vrai ! D’ailleurs les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leur maîtres ». Elle accepte la comparaison avec les chiens, mais elle la retourne. Les chiens ne sont pas dépourvus de tout intérêt pour le bon pain.

Elle démontre ainsi d’avoir compris ce qu’est l’Évangile. Elle invite Jésus à ne pas s’enfermer dans ses catégories identitaires, mais à s’ouvrir aux autres. Jésus semble avoir compris : « O femme, grande est ta foi ! ». Il la renvoie à la maison où elle trouvera sa fille guérie.

Qu’il est facile de se faire piéger par nos propres catégories mentales. Parfois la religion ou une idéologie sont tellement liées à des préconçus que cela nous empêche de voir ce qu’il y a de bon chez l’autre. Jésus enseignait à son peuple d’avoir le cœur ouvert aux autres, il a failli ne pas voir que, le cœur ouvert, doit l’être sans limites.

Si nous pensons à la suite de la vie de Jésus, nous voyons qu’il a compris : l’annonce de l’Évangile est pour l’humanité entière et il a touché l’humanité entière. Cette femme courageuse nous enseigne à oser réclamer une place digne devant notre interlocuteur. Elle nous enseigne à opposer aux préjugés des autres une attitude intelligente et pas dépourvue d’humour.

Si une seule femme a pu changer le cours de l’histoire, alors ne nous décourageons pas, nous le pouvons aussi !

Matteo Silvestrini, pasteur


La Plume de David Kneubühler (Giauque)

 

Tu es à moi, je t’ai appelé par ton nom…

Comme beaucoup de personnes le savent déjà, je me suis marié récemment et j’ai pris le nom de famille de mon épouse. Loin de moi l’idée de m’étaler dans ce billet sur ma vie privée, mais ce changement de nom n’est pas si anodin que ça. Il faut apprendre à s’annoncer sous son nouveau nom, faire de nombreuses démarches administratives. Bref, c’est une vraie transformation. Elle m’a rappelée la phrase d’Esaïe 43, qui sert de titre à cette plume. Certes, dans ce cas-là, Dieu appelle Jacob, devenu par la suite Israël, par son nom et parle par son entremise à son peuple. Malgré le fait que Dieu ne s’adresse pas directement à nous, un tel texte garde un sens pour nous aujourd’hui j’en suis convaincu. Dans une ère où la question du pseudonymat et de l’anonymat face à l’Etat et aux grandes entreprises prend de l’ampleur, sommes-nous encore capables d’être face à face avec Dieu, sans artifices ? Lui qui a longtemps été associé avec la notion de contrôle, notamment des mœurs, sommes-nous d’accord de baisser nos défenses pour le rencontrer ? Car la suite du texte le montre bien : ne pas se cacher de Dieu, c’est avant tout s’exposer à son amour. Ce n’est pas accepter de lui livrer nos détails intimes pour un usage opaque, comme cela pourrait être le cas avec les grandes entreprises ou l’Etat. C’est avoir la chance d’avoir un partenaire qui nous accueille comme nous sommes, sans condition. Quelqu’un qui est prêt à donner tant et plus pour nous. Et ce que nous avons le plus de peine à accepter, c’est de nous retrouver vraiment sans arme et sans armure, pour reprendre une formule du penseur français Jacques Ellul, devant un autre, soit-il tout Autre. Car nous craignons toujours le jugement, pensant ne pas mériter d’être aimés pour qui nous sommes vraiment, avec nos lézardes, nos fêlures. De plus appartenir à quelqu’un est une idée qui nous terrifie, nous qui sommes si convaincus de n’appartenir qu’à nous-mêmes, alors que notre liberté aujourd’hui comme hier est surtout de choisir nos chaînes, comme le rappait Kery James. Dieu nous offre pourtant cette chance, devenue si rare, de pouvoir pleinement nous assumer devant quelqu’un. Une occasion d’appartenir à quelqu’un qui au lieu de nous réduire en esclavage, nous libère de bien des carcans et pensées mortifères. Alors osons cette confiance, quel que soit notre nom ou notre pseudonyme.

David Kneubühler (Giauque), pasteur


La Plume de Werner Habegger


Parabole

« Voici que le semeur est sorti pour semer. Le grain jaillit de sa main et par d’amples gestes, il en a mis partout, à profusion. Il gaspille. Du grain est tombé sur le chemin, et les oiseaux l’ont mangé. Il en est aussi tombé dans des endroits pierreux et le soleil a brûlé les plantes. Il en est tombé dans les ronces et les ronces ont étouffé la semence. Il en est encore tombé dans la bonne terre et les grains en se développant ont donné beaucoup de fruit. »

Le grain est Parole, promesse de la présence de Dieu. Il est semé à profusion. Parole proclamée dans les nombreux lieux de cultes, mais encore en mille autres endroits ; Parole transmise au gré des conversations, Parole vécue par de nombreux gestes d’accueil.

Aujourd’hui, comme hier, la Parole est reçue ou refusée. Aujourd’hui comme hier, les humains sont chemin, sol rocailleux, ronces et terre fertile.

Et j’entends la prière de certains : « Merci Seigneur parce que je suis bonne terre, merci parce que je ne suis pas comme celui-là qui est chemin, ou cet autre qui est pierre, ou encore cet autre qui est buisson d’épines. »

Je préfère la prière suivante :

« Seigneur, mon Dieu, tu m’accueilles comme je suis et c’est ainsi que tu m’aimes.

Parfois, je suis chemin, inaccessible, sombre, révolté. Je n’ai qu’une envie c’est qu’on me laisse tranquille et les grains que je reçois, j’ai envie de les jeter à la figure des gens.

Parfois je suis sol pierreux, superficiel. Je m’enthousiasme, je monte aux barricades, je bouscule, je crée et je me décourage et sèche faute de la patience nécessaire.  Tout n’est pas feu de paille, mais un peu plus de recul donnerait plus de racines et d’assise à mes projets.

Parfois je suis ronces. Les préoccupations et soucis étouffent ta présence. Je me découvre activiste ; tu dois pourtant bien comprendre qu’à force de devoir être partout on n’est plus nulle part. Merci pour ta patience envers moi.

Je suis aussi bonne terre, présence réconfortante pour les autres, trouvant une parole d’encouragement, d’espérance, m’inscrivant ainsi avec une multitude d’êtres humains dans la lignée des témoins de la Parole.

Seigneur, mon Dieu, tu m’accueilles comme je suis et c’est ainsi que tu m’aimes. Merci de gaspiller en moi la Parole. »

Werner Habegger, pasteur


La plume de Marco Pedroli

 

Transparence

Il est perméable et clair, transparent. Traversé par les lumières et les couleurs, le souffle et les sentiments, les soupirs et les désirs. Les hommes et les femmes peuvent ainsi contempler sa vérité et son amour.

Dieu laisse mon regard passer pour aller au fond du ciel, pour réfléchir et méditer, pour rêver aussi. Il ne me retient pas, il ne refrène pas ma pensée. Je peux aller plus loin encore, il reste translucide, il accompagne mon regard et soutient ma quête.

Cette divine transparence accompagne mon regard lorsque je veux voir les hommes et les femmes, que je veux les rencontrer, les écouter, les comprendre. Il ne me retient pas, il ne met pas de filtre. Il me laisse regarder l’autre sans ambages. Je peux les approcher, les aimer et les découvrir sans juger ou les mesurer, je peux les accepter tels qu’ils sont.

Dieu dépasse tout ce que nous pouvons nous imaginer et penser, dire et transmettre. Il est transparent, limpide même, sa lumière traverse les merveilles de sa création. Il est promesse, le message est ouvert. Il transcende tout ce que nous savons de Lui. Il n’a jamais dit son dernier mot.

Dieu n’apporte pas des vérités toute faites, il n’impose pas des réponses bruyantes, mais, à travers la pureté de l’air et du ciel, nous pouvons apercevoir la beauté de sa création et la richesse de ses créatures. Il est transparence. Il est aussi cette parole claire et bénéfique que Jésus a proclamée. Cette parole qui annonce l’amour de Dieu et la vérité qui nous porte et qui nous libère. Une parole qui reste ouverte et légère qui nous guide sans nous contraindre, qui nous insuffle la force de vie et l’espérance d’un monde réconcilié.

C’est un témoignage merveilleux ; Dieu laisse passer sa lumière et sa grâce et il nous le proclame. Nous pouvons ainsi contempler sa création et nous réjouir en Lui.

Marco Pedroli, pasteur


La plume d'Alain Wimmer


Masques en rade ?

Autant le dire tout de suite, je n’aime pas trop les masques médicaux… ils me rappellent tant de souvenirs d’hôpitaux, tant d’attentes subies entre espoir et angoisse … Et puis, c’est juste pénible à porter un masque, surtout en plein été !

Et pourtant, c’est volontiers que je porte et porterai un masque là où les autorités sanitaires le jugeront nécessaire pendant cette pandémie. Pour deux raisons au moins.

D’abord, parce qu’outre Atlantique en particulier, mais pas seulement, le port ou le refus du port du masque médical est devenu un enjeu de politique et de pouvoir. Avec certains leaders politiques qui refusent de le porter, voulant faire croire ainsi à leurs suiveurs qu’ils sont forts et courageux.

Ils oublient une seule chose ces leaders-là, c’est que le masque médical ne sert pas seulement à se protéger, et en fait même pas d’abord à se protéger. Le masque, il sert d’abord à protéger les autres de ce que moi, je pourrais leur transmettre…

Et bien moi, à la suite de Jésus et de beaucoup d’autres, je pense qu’être fort, ce n’est pas se moquer du sort des petits, mais c’est mettre son énergie et ses capacités au service des petits, des oubliés, des rejetés, des sans-noms, des sans-grades. Je pense que le vrai courage, c’est de se battre contre les injustices de toutes sortes, c’est de protéger les autres et la vie, c’est de prendre soin des autres et de la vie.

Je lie la seconde raison à une anecdote de ce temps de pandémie. L’autre jour, accueilli au salon de coiffure par ma coiffeuse, je lui dis en rigolant « et alors, vous ne me souriez pas aujourd’hui ? » Et elle de s’excuser de devoir porter un masque. Du coup, un brin charmeur, je lui dis « mais vos yeux, eux, ils sourient ! »

Et c’est vrai que les yeux sourient… Essayez donc quand vous porterez un masque, dans le train, au travail ou au salon de coiffure ! Essayez, même sans masque, et vous verrez que quand on regarde les autres et le monde avec des yeux qui sourient, la réalité s’en retrouve comme transformée. Plus lumineuse, plus gaie, plus humaine.

Non, tout n’est pas changé, comme d’un coup de baguette magique, quand on regarde le monde avec des yeux qui sourient ; ça ne fait pas disparaitre le virus non plus. Non, tout n’est pas changé, mais quelque chose a changé, ça c’est sûr. Et chacun·e de nous est capable de le faire.

Alain Wimmer, pasteur


La plume de Matteo Silvestrini


Fragilités

Nous vivons une période qui, entre virus et manifs anti-racistes, nous dévoile notre fragilité humaine. Notre santé, notre sociabilité, notre économie et nos valeurs du vivre ensemble en ont pris un sacré coup. Un bel article apparu dans ArcInfo du théologien Pierre Bühler, interroge la rage contre des personnages statufiés qui, dans le passé, ont vécu des compromissions avec la traite négrière. Oui, il y a des personnes, même des philanthropes, qui ont profité du système de l’esclavage ! Aujourd’hui, nous pose la question M. Bühler, quelles compromissions sommes-nous prêts à faire pour notre confort ? Savons-nous que les fruits que nous mangeons, venant d’Italie ou d’Espagne, sont récoltés par des ouvriers en situations de quasi-esclavage ? Savons-nous que le matériel minéral qui compose nos portables a été récolté la plupart du temps par des enfants aussi en situation d’esclavage ? C’est beau de s’insurger contre les esclavagistes d’hier, mais eux, ils ne sont plus là. Qui sont les esclavagistes d’aujourd’hui ? Nous sommes les esclavagistes de l’époque contemporaine, nous toutes et tous, avec notre mode de vie. L’Eglise réformée soutient l’initiative pour des multinationales responsables. Ce n’est pas tant dire que les multinationales sont forcément « méchantes ». La réalité est bien plus complexe, ces entreprises créent aussi des places de travail et contribuent au processus de développement des états émergents. Mais il est aussi vrai que, la nature humaine étant ce qu’elle est, sans contrôle et limites, les abus envers les populations fragiles sont non seulement possibles, mais avérés. Mais, comme pour les statues, il ne s’agit pas tout simplement de se décharger de toute responsabilités, ayant trouvé un bouc émissaire pratique, mais prendre conscience que notre mode de vie impacte notre environnement, humain et écologique. En effet, les premiers clients des multinationales, c’est nous. On en revient à la fragilité de l’existence humaine, à ses incohérences et besoins. Si seulement nous pourrions prendre en compte nos fragilités partagées avec nos frères et sœurs en humanité !  L’évangile ouvre des pistes, celles de la compréhension réciproque, de la solidarité et de la fraternité, puisque nous sommes toutes et tous fragiles. Ce n’est pas imaginer de vivre dans un pays de Bisounours, mais d’être prêts à renoncer à quelque chose de notre propre confort, afin que d’autres puissent aussi en profiter un peu, dans un esprit de partage et d’amitié. Vaste programme de remise en question !

Matteo Silvestrini, pasteur


La plume de David Giauque

 

Un repos bien immérité

Alors que nous semblons quitter lentement le temps de la pandémie, voici que les activités reprennent l’une après l’autre, que tout est bientôt comme avant. L’un des slogans élaborés au cours du semi-confinement est : « pas de retour à l’anormal ». Est-ce que notre normalité précédente n’était qu’apparente ? Peut-être. Car si ce slogan veut surtout alerter sur la destruction de la planète par une logique de croissance économique infinie, je crois qu’il permet aussi de nous interroger sur ce qui produit cette croissance : notre travail. Pendant des siècles, le travail a été vu comme une corvée, une punition. Dès le livre de la Genèse, Dieu l’impose à l’homme comme un châtiment en raison de sa dégustation du fruit défendu. Mais voici qu’aujourd’hui, travailler est vu comme quelque chose de plutôt positif. Si l’on s’est toujours méfié des personnes oisives, qui ne faisaient rien, le travail n’était pas pour autant vu positivement. La preuve avec la noblesse, qui ne travaille ou ne travaillait que très peu. Tandis que notre monde, dominé par la bourgeoisie, valorise au contraire le travail et la réussite apportée par celui-ci.

La religion juive et à sa suite la religion chrétienne, instaure un jour de congé, nommé le Sabbat. Ce jour se justifie dans les textes bibliques de deux façons. Une première fois, à la suite immédiate de la sortie d’Egypte, par le fait que Dieu, après avoir œuvré six jours pour créer le monde s’est reposé et que son peuple doit en faire de même. Une seconde fois, lorsque Moïse reçoit les tablettes de la Loi, le Sabbat représente un repos en commémoration de la sortie d’Egypte, de la fin de l’esclavage.

Dans notre société souvent très active, pour ne pas écrire agitée, entendre un tel discours fait du bien. Si Dieu lui-même s’est reposé un jour, nous pouvons en faire de même, non ? Et si son peuple observe le repos, c’est aussi pour marquer symboliquement la fin de l’esclavage, du travail plus ou moins absurde, mais en tous les cas, forcé. Pour dire que les grandes œuvres de l’Egypte de l’époque sont belles, mais pas essentielles à une vie épanouie.

Retournerons-nous donc à la normale, à « l’anormale » ? Continuerons-nous de nous tuer à la tâche parce que c’est ainsi que l’on nous dit que l’on réussit sa vie ? Ou oserons-nous accepter que le repos, tout immérité soit-il, est un bien précieux et nécessaire à notre équilibre ? « Quel normal » et quel retour ou nouveau départ ? À nous de choisir en connaissance de cause !


La plume de Werner Habegger

 

Il y a des raisons d’espérer

Tout repart ! On en vient à espérer que la vie sera comme avant ! Les protections tellement importantes pendant ce semi-confinement volent en éclat ! N’est-ce pas ce que nous espérions au fond de nous-même !

La vie est paradoxalement devenue plus compliquée. Avant on obéissait plus ou moins, mais on savait ce qu’il fallait faire !

Maintenant tout est permis ! Mais si le virus traîne par-là, tient, on l’aurait presque oublié celui-là, alors on va se remettre en quarantaine ! Je n’ai toujours pas envie de prendre le risque de me retrouver aux soins intensifs !

Tout est permis, mais c’est compliqué.

J’ai retrouvé au fond d’un tiroir une citation de Maurice Bellet que j’avais affichée dans mon bureau !

« Le seul vrai malheur est la prétention. Mais tout est permis, si l'on demeure dans cette humilité : de tracer le chemin qu'on peut, avec la part de clarté qu'on a, pour se tenir à hauteur d'homme, prêt à entendre toute parole qui nous mènera plus loin. » 

Reprenons !

Les prétentieux pullulent ! Ceux qui savent tout, sur rien ! Ceux qui auraient mieux fait ! C’est vrai qu’après on est toujours un peu plus intelligent. Garde-moi Seigneur de la prétention.

Je peux alors prendre le risque de vivre libre ! Délivré de la prétention, je deviens forcément humble. Je trouverai mon chemin avec la clarté que j’ai !

Délivré de la prétention je pourrai rester à mon niveau d’homme ou de femme à l’écoute de mes semblables ! Il y a tant de gens autour de moi qui ont une parole de bon sens, une parole chargée d’espérance, une parole clairvoyante, une parole qui permet d’aller plus loin.

« Oui, moi, le SEIGNEUR, je connais les projets que je forme pour vous. Je le déclare : ce ne sont pas des projets de malheur mais des projets de bonheur. Je veux vous donner un avenir plein d’espérance. » (Prophète Jérémie)

Oui, il y a des raisons d’espérer.

Werner Habegger, pasteur


La Plume de Richard Riesen


Jonas et la miséricorde

Pour le prophète Jonas, les choses semblent limpides. Lui est bon, les Ninivites sont méchants, et Dieu doit les punir en détruisant leur ville. Lorsqu’après bien des péripéties il arrive à Ninive, et qu’il constante la repentance de tous les habitants y compris du roi et que Dieu ne va pas détruire la ville, il se fâche (Jonas 3/10-4/2) :

«Dieu vit qu'ils agissaient ainsi et qu'ils revenaient de leur mauvaise voie. Alors Dieu se repentit du mal qu'il avait résolu de leur faire, et il ne le fit pas. Cela déplut fort à Jonas, et il fut irrité.  Il implora l'Éternel, et il dit: Ah ! Éternel, n'est-ce pas ce que je disais quand j'étais encore dans mon pays ? C'est ce que je voulais prévenir en fuyant à Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté, et qui te repens du mal».

Jonas se fâche parce que Dieu agit avec miséricorde et offre le pardon…

Pourtant, sur le bateau que Jonas avait pris pour aller dans la direction opposée, les marins ont agi avec compassion et miséricorde. Jonas s’était mis au fond du bateau et dormait, il voulait oublier sa mission, mais Dieu ne l’a pas oublié. Jonas avoue aux marins que lui est responsable de la tempête parce qu’il a ignoré le message de Dieu. Il demande aux marins de le jeter dans la mer, mais les marins essaient de tout faire pour empêcher cela. Ils implorent leur dieu, le pilote demande à Jonas d’invoquer son Dieu, les mariniers allègent le bateau et invoquent Dieu (qui répond favorablement à cette prière, le bateau ne coulant pas), et ils apprennent un bout de théologie à Jonas en disant (1/14) :

«Car toi, Éternel, tu fais ce que tu veux».

Jonas aurait voulu que Dieu fasse ce que lui avait imaginé, détruire la ville, et les marins eux font acte de compassion et de miséricorde, et disent à Jonas que Dieu est libre de faire ce qu’il juge bon. Mais Jonas ne comprend pas encore que cela implique que Dieu peut même se repentir du mal qu’il avait résolu de faire. Les marins finalement après avoir tout essayé pour ne pas devoir le faire,  jettent Jonas à la mer, qui se retrouve dans le ventre d’un grand poisson.

Et là dans le noir et les pires difficultés, étonnamment, il prie, il remercie déjà Dieu de l'avoir sauvé, alors que rien ne le laisse supposer. Mais il devra encore apprendre que Dieu fait ce qu’il veut, et que la volonté de Dieu n’est pas de punir, mais de pardonner et sauver.

Richard Riesen, pasteur


La Plume de Paula Oppliger Mahfouf

La visite des anges

Ouvrir sa bible sans qu’on y soit obligé. Ouvrir une bible, ce que j’appelle aussi « le grand livre ». Se laisser guider par cette surface plate et fine de pages successives. N’attendre rien de personne, curioser, au gré des livres bibliques, des chapitres. Chercher et éventuellement trouver un sujet en adéquation avec sa vie.

J’encourage les catéchumènes à le faire, à aiguiser leur esprit critique et à lire d’abord pour faire simplement connaissance avec ces mots, incompréhensibles souvent, et venus d’un temps lointain. Lorsque les mots entrent cela ne veut pas dire qu’ils sont compris. Lorsqu’ils sont compris, nous avons encore tant de chemin à faire pour que l’histoire se dégage et quand nous arrivons enfin à la voir défiler dans sa globalité, on se demande :« qu’est-ce qu’elle peut bien nous raconter » ?

Nous autres fidèles, savons redire les histoires bibliques que l’on nous a narré lorsque nous étions enfant, au temps où nous étions encore perméables à l’extraordinaire, au tout Autre et à la visite des anges. Devenus adultes nous avons tendances à nous laisser porter par les propos de ceux qui savent parce qu’ils ont fait des études théologiques. Heureusement nous avons aussi et c’est cela que j’aime communiquer à nos catéchumènes, un esprit, une tête, un corps, des tripes et un cœur pour ressentir et penser par nous-mêmes. Nous avons le droit de nous faire notre propre opinion des textes bibliques. Nous avons, j’ai, le droit de croire en Dieu et en Jésus comme je veux et comme je le ressens.

Echanger sur la question religieuse, sur les textes, sur la tradition, les pratiques et les rituels est pour moi le rempart contre l’extrémisme religieux, celui qui dit au fidèle comment il doit croire, penser, manger, aimer et vivre.

Claude Lagarde est un théologien passionné et un pédagogue émérite. Il a développé une méthode catéchétique qui me semble valable pour tout un chacun. Je vous la fait brève et rapide : 1.Je lis un texte biblique. Dans l’idéal je l’écoute en ayant le texte sous les yeux.

2. Je redis l’histoire, ce que je me souviens, ce que j’en ai compris. 3. Je cherche ce qui ne fonctionne pas dans ce texte, ce qu’on appelle les aspérités du texte. 4. Je rentre en moi pour voir à quoi ce texte me fait penser dans MA vie. 5. Je m’élève spirituellement en y comprenant le sens symbolique et divin pour MOI !

Tout un programme donc que je vous encourage à expérimenter par vous-même, en quête d’humanité et de divin et en compagnie des anges, peut-être !


Paula Oppliger Mahfouf, catéchète professionnelle et prédicatrice laïque


La Plume de Marco Pedroli

 

Souffle

Le souffle de Dieu est sorti de son confinement. Il est libre, « il souffle où il veut et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va » (Jean 3,8). Le souffle de Dieu ne se laisse pas retenir par nos barrières ou par nos préjugés. Il souffle et veut conduire les hommes et les femmes auprès de Dieu.

A Pentecôte le souffle s’est manifesté de manière visible et bruyante. Tous pouvaient le voir et l’entendre. Les personnes présentes entendaient chacune le message dans sa langue maternelle : Jésus vivant, Jésus sauveur de chacun.

Grâce au souffle Dieu est tout à coup très proche, dans notre oreille, dans l’intimité de notre cœur. Il nous insuffle la conscience de la présence de Dieu dans nos regards, nos mots, nos gestes, dans notre propre souffle. Il est là, présence discrète mais combien intense et forte, indestructible, comme une semence. Il nous ouvre à cette vérité du salut en Jésus le vivant et de l’amour de Dieu pour toute l’humanité.

Des hommes et des femmes, souvent même des responsables d’églises, ont parfois cherché à canaliser le souffle de Dieu. J’allais dire le baptiser, lui donner un nom, le définir, le figer, l’attribuer à leur propre pensée, à leur théologie, à une église. Dans leurs réflexions, l’esprit était très saint et ils ont cherché à le retenir. Mais le souffle leur a échappé, comme le sable lorsqu’on cherche à le retenir dans nos mains. Il ne soufflait plus.

Personne ne peut arrêter le souffle de souffler et lorsqu’on cherche à le diriger il souffle ailleurs, autrement que prévu. Il est présent là où des hommes et des femmes s’engagent et luttent pour l’amour et la vérité. La vérité et la force divine sont imprévisibles. Elles amènent la délivrance, le renouveau. Il est impossible de donner des limites à ce souffle, de l’enfermer dans nos théories et nos croyances, de le canaliser. Cependant nous sommes tous les enfants du même esprit, appelés à participer à sa création d’amour et de vérité.

Dans cette période déroutante que nous vivons, nous nous rendons particulièrement compte à quel point nous avons besoin de ce souffle, même si nous ne le voyons pas. De sa présence qui nous permet de respirer, de sa tendresse lorsque celle des autres est parfois lointaine, de cette espérance qui nous redonne vie. Nous pouvons nous ouvrir à lui, le laisser venir et nous habiter, être prêts à l’accueillir. Il vient sans que nous l’ayons cherché, de manière surprenante et précieuse, tout à coup nous sentons une présence comme une légère brise d’amour.

C’est le mystère et la plénitude du souffle. Il est subtil et fin, il est léger et souple, rapide et fidèle. Dans nos tourments et dans nos joies, il est ce vent dont nous ne savons pas d’où il vient, ni où il va, mais nous avons cette certitude qu’il nous entraine sur les chemins du Seigneur.

Marco Pedroli, pasteur


La Plume de Richard Riesen

 

Ne me touche pas!

On pourrait croire que cette phrase est issue directement de la pandémie actuelle. Nous avons envie de nous serrer la main, de nous prendre dans les bras, de nous embrasser, mais nous savons que cela n’est pas conseillé, par solidarité envers les personnes à risque. Cette phrase date de presque 2000 ans, elle se trouve dans l’évangile selon Jean, au chapitre 20, lorsque Marie de Magdala se rend au tombeau le matin de Pâques, pour embaumer le corps de Jésus qu’elle pensait mort : « Jésus lui dit: Femme, pourquoi pleures-tu? Qui cherches-tu? Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et je le prendrai.  Jésus lui dit: Marie ! Elle se retourna, et lui dit en hébreu: Rabbouni ! c'est-à-dire, Maître !  Jésus lui dit: Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va trouver mes frères et soeurs, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.  Marie alla annoncer aux disciples qu'elle avait vu le Seigneur, et qu'il lui avait dit ces choses ». Pourquoi cette réponse de Jésus, « ne me touche pas » ? Marie avait rencontré Jésus de son vivant, et ce matin-là elle voulait lui rendre un dernier honneur, embaumer le corps. En ne voyant pas le corps dans la tombe, elle pensait que quelqu’un l’avait enlevé. Le tombeau vide, signe de la victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur la haine, de la résurrection de Jésus de Nazareth, était dans un premier temps pour elle signe de tristesse, parce qu’elle n’avait pas du tout imaginé que ce Jésus était ressuscité des morts. Sans doute Marie veut toucher Jésus, se rendre compte qu’elle ne rêve pas, mais aussi quelque part retenir ce Jésus dans une relation d’avant la résurrection. Jésus en lui demandant de ne plus la toucher, veut la préparer à cette nouvelle étape, nouvelle situation, où Jésus ne sera plus présent de la même façon, où on ne pourra plus le serrer dans ses bras comme avant sa mort, mais le serrer dans son cœur, guidé par le St-Esprit qui conduira dans toute la vérité. L’amour de Dieu est le même, il triomphe de tout, mais le monde a changé, Jésus sera présent, mais différemment, et pour tout le monde, et non seulement dans le petit pays d’Israël, même si déjà de son vivant Jésus a rencontré juifs, grecs, romains, hommes, femmes. Marie et les disciples sont invités par Jésus à répandre la bonne nouvelle de sa résurrection, espoir pour toute l’humanité.

Richard Riesen, pasteur

 

 


La plume de Gilles Bourquin


Gilles Bourquin est pasteur dans la paroisse de Rondchâtel. Il tient aussi son propre blog traitant de théologie et spiritualité.

Une nature plus revêche que prévu

Le discours désormais dominant de l’écologie contemporaine affirme que l’harmonie naturelle de l’écosystème Terre a été progressivement perturbée par le développement des civilisations humaines. L’agriculture, l’élevage, l’usage du feu, l’invention de la roue, jusqu’aux innombrables progrès techniques des sociétés modernes, sont responsables d’un envahissement des biotopes sans précédent, entrainant une crise toujours plus irréversible de la biodiversité et des climats. La nature est donc le bien originel, et l’homme la cause du mal, car il ne respecte pas le bien.

Or, nous le savons, ce sont nos manières de nous raconter notre histoire qui forgent nos croyances. Avant l’ère écologique, une façon inversée de raconter nos origines a prévalu. Selon cet autre discours, la nature est un cortège de forces chaotiques qui rendent toute vie pénible dans l’écosystème Terre. Les perturbations climatiques font violence aux êtres vivants, qui luttent les uns contre les autres pour leur survie. Dans leur milieu naturel, les hommes primitifs étaient soumis à une vie très rude.

Tous les progrès des civilisations, à commencer par l’agriculture, l’élevage, mais aussi l’usage du feu, la construction d’abris contre les prédateurs, puis d’habitations et de réseaux de communications, ne visent qu’à juguler et normaliser le monde désordonné de la nature, afin de créer de meilleures conditions de vie, moins dangereuses et plus confortables. Selon cette optique, la nature est la source du mal-être originel, et l’homme cherche à augmenter son bien-être en rendant son milieu de vie plus humain.

Laquelle des deux histoires correspond le mieux à la réalité ? Le Covid-19 fait pencher la balance du côté du second discours : l’écologie est donc momentanément en sourdine. Et de quel côté penchent les récits bibliques des origines ? C’est difficile à dire. Dans le livre de la Genèse, on trouve un mélange des deux histoires : Dieu crée la nature bonne et le péché n’arrive qu’avec l’homme, qui est chassé du paradis. Du coup, la situation de l’homme dans la nature est problématique dès les origines : il doit travailler dur pour labourer la terre et la femme enfante dans les douleurs. Le rapport de l’homme à la nature n’a donc jamais été simple, et il n’est pas près de se résoudre !


La plume de Werner Habegger


Confinés

Le soir même du jour de pâques, les disciples sont confinés dans leur maison. Confinés par peur des autorités. Après avoir exécuté leur maître elles s’en prendraient à eux. Il se passe alors quelque chose d’étrange, une apparition. Pour décrire l’inexplicable l’évangéliste Jean écrit trois récits d’apparition. Pas un récit d’esprits, pas une vidéo conférence. Une apparition. Il y a de la présence, il y a du corporel, il y a une parole : que la paix soit avec vous. Une semaine plus tard rebelotte avec Thomas. Il a besoin de voir, de toucher. L’apparition de leur maître transforme les disciples et les remplit de joie.

Ça fait maintenant un mois et demi que nous sommes confinés à cause du virus.

J’suis pas bien. Bien sûr, je ne suis pas à plaindre. J’ai tout ce qu’il faut, un bel appartement, une terrasse, un bois tout proche, une auto pour m’évader, une épouse à mes côtés. On prend soin de moi, je communique par téléphone, par Skype et finalement j’ai de la chance d’être en Suisse.

Et pourtant j’suis pas bien. Je me vois dans la peau de Thomas, j’ai besoin de plus que des promesses ou des encouragements. Le contact humain me manque, mes enfants, mes petits-enfants, mes amis me manquent. J’ai besoin de les serrer dans mes bras, j’ai besoin de toucher. J’suis pas bien. C’est aussi ma protestation ; je ne veux pas d’un monde sans contacts humains seraient.

Nous nous engageons depuis peu dans la phase de déconfinement. L’évangéliste Jean écrit un dernier récit d’apparition. Les disciples ont repris leur métier de pêcheur. Ce jour-là la pêche n’est pas bonne et voilà que Jésus se tient sur le bord du rivage. Une apparition et il ne le reconnaissent pas tout de suite. Il veut manger avec eux et demande du poisson. Il faudra quelques conseils de pêche pour que le repas ait lieu.

Pour nous aussi la vie professionnelle reprendra progressivement. On nous rappelle bien que ce ne sera pas comme avant et mon besoin de toucher, de prendre dans mes bras attendra encore un peu, ah, ces fameux deux mètres de distance !

Pourtant un changement est possible. Le ressuscité se tient devant nous, sous les formes les plus diverses, même si nous ne le reconnaissons pas. Il se tient sur le bord de la plage, dans la forêt.  Il se tient dans les humains lors des rencontres et dans un bon repas. L’expérience de cette présence n’est pas une fois pour toute, elle est à refaire chaque jour. Elle est source de joie et de paix.

Werner Habegger, pasteur


La plume d'Alain Wimmer


Libération

En cherchant un récit de la Bible qui puisse entrer en résonnance avec notre situation de semi-enfermement, c’est à un épisode des Actes des apôtres que j’ai pensé (Ac 12, 3-17). Cela se passe plusieurs années après la mort et la résurrection de Jésus, mais comme pour Jésus, cela commence aux jours de la fête de la Pâque.

Pierre, le chef des disciples, est jeté en prison par le méchant roi de l’époque. Et pour être sûr qu’il ne s’évade pas, le roi ordonne à seize soldats de le garder ! La nuit - est-ce un rêve, Pierre ne sait pas vraiment - un ange apparaît, avec une grande lumière, comme il se doit : les chaînes tombent des mains de Pierre qui s’habille, attache ses sandales et sort à la suite de l’ange, toutes les portes de la prison s’ouvrant devant eux…

C’est ma compréhension d’enfant écoutant ce récit qui me revient d’abord à l’esprit. Celle d’un enfant à qui le côté magique de l’histoire ne pose aucun problème : le beau récit d’un humain libéré des mains des méchants par une ange. Et puis, avec l’âge adulte, une compréhension plus symbolique : la conviction que les prisons sont bien souvent intérieures… et que dans ces obscurités-là aussi j’ai besoin de lumière, que de ces prisons-là aussi j’ai besoin d’être libéré.

Mais pourquoi alors, ai-je l’impression aujourd’hui que nous, adultes, attendons une libération, presque magique, du Coronavirus ?

Non, libération magique il n’y aura pas. Mais libération il y aura j’en suis convaincu. Et grâce à un « ange » aussi. Pas un ange ailé, mais un ange constitué de toutes celles et ceux, qui jour après jour, soignent, aident, sauvent, s’isolent, nettoient, désinfectent, nourrissent, acheminent, assument, accompagnent, consolent, donnent… Et à une lumière faite de tous les espoirs partagés, de toute la confiance reçue et donnée.

Deux détails de ce récit me parlent encore. D’abord quand il précise que « l’Eglise priait Dieu avec ferveur pour Pierre ». On peut y voir une simple pratique religieuse, mais aujourd’hui cette référence me fait penser plutôt aux applaudissements, cris, danses, chants et musique de chaque soir. Si c’était ça prier ? Plus qu’un signe de religiosité, un acte de solidarité ?

Le second est un trait d’humour du récit : Pierre libéré à main forte va frapper à la porte de la maison des disciples, mais la maisonnée est si surprise que tout le monde commence à laisser éclater sa joie ou à discutailler pour savoir si c’est possible… laissant Pierre enfermé dehors… Quand nous serons libérés, j’espère que nous n’oublierons pas d’ouvrir nos portes aux autres. Parce que, de solidarité, nous en aurons plus que jamais besoin !

Alain Wimmer, pasteur


La plume de Serge Médebielle


La peur, mauvaise conseillère ?

Il y a quelques semaines, au début de ce qui s’est avéré être une pandémie, certaines voix ont égrené ce refrain dans le but de faire comme si de rien n’était – ou presque : « faut pas céder à la panique, on exagère », parfois sur un ton supérieur…dans le but éventuel de continuer toutes sortes d’activités, comme prévu.

Il y eut d’un seul coup deux camps : ceux qui n’avaient pas peur et ceux qui avaient (trop) peur.

Depuis, les sans-peur se sont fait les chantres du « restez chez vous » tout en vous prodiguant leurs consolations…de loin.

Alors, au-delà de ces péripéties de la nature humaine vieilles comme le monde, une question générale demeure : est-ce juste d’avoir (parfois) peur ? « Ma » réponse est : oui.

La peur nous invite à rester humble face aux événements, naturels ou autres, que nous ne pouvons toujours maîtriser. La peur est un signal déclencheur : face à l’irruption de l’extra-ordinaire, il faut réagir et changer notre regard et nos habitudes. La peur révèle tous ces visages anonymes d’ayant-peur-pour-le-prochain qui se dévouent à autrui en prenant des risques en toute discrétion. La peur nous révèle une vérité naturelle qui peut devenir libératrice : elle se trouve résumée dans le titre d’un roman italien, « Tuttalpiù muoio », « Au pire, je meurs ». Mortels.

Il y a les sans-peur qui refoulent cette vérité dans une inconscience qui serait risible si elle n’était pas dangereuse.

Et ceux qui dont la peur reflète leur humilité de mortels et leur désir courageux d’agir avec cœur pour autrui (le mot courage vient d'une racine latine « cor » qui signifie :  cœur).

Tous les grands personnages bibliques ont eu peur ; même au matin de Pâques (Marc 16, 8). C’est la foi qui les a remis debout et non l’absence de peur.

Avec courage, joie et noble crainte de l’Eternel.

Serge Médebielle, pasteur


La plume de Paula Oppliger Mahfouf

Le temps suspendu

Longtemps j’ai cherché les gens dans leur maison, dans leur jardin. Le jour, en marchant, la nuit observant les lumières.

Longtemps j’ai vu de jolies maisons verdoyantes, harmonie entre la pierre et le végétal, entre les arbres plantés là et l’ouverture des portes sur le jardin.

Longtemps je me suis dit que de si beaux lieux méritaient d’être vivants! Je rêvais de tables  déplacées dans un jardin pour se retrouver et manger.

Sortir les chaises, sortir le vin et le repas, le sirop pour les enfants et chanter ensemble le soir devant la lune.

À la place, dans ces jardins, je vois le mobilier gris en faux rotin où personne ne s’assied.

Mais le temps suspendu apparaît. La maison devient hospitalière, un refuge, un foyer. Elle s’anime soudain parce que la vie y grouille : enfants, adolescents, adultes, chien, chat, poissons. Elle est habitée à chaque étage. Dans chaque pièce quelqu’un y travaille, y rêve, regarde par la fenêtre. Casaniers nous n’étions pas, casaniers nous sommes devenus.

Le temps est suspendu.

Tout était vitesse, sortir, entrer. Amener celui-là là, celle-ci ici. Entrer, sortir, revenir tard, se lever tôt, prendre des véhicules, des trains, laisser la maison vide et silencieuse. Laisser les plantes vertes, le mobilier, la vaisselle et le jardin. La primevère fleurit, les pensées éclosent, la clématite exhale, la végétation pousse. Le dimanche, l’enfant sort dans le jardin, le mobilier en faux rotin gris accueille quelques oisifs et l’apéro se prend dehors. Un œil aperçoit le merle, les fleurs, et une voix dit : «votre jardin est beau au printemps »! La vie passe vite, printemps, été, automne, hiver.

Nos horaires sont pétris de rituels. De ceux du travail, des loisirs, des obligations que nous portons. Ce temps là, pour l’instant, est arrêté. Suspendu dans un point d’interrogation, dans l’air de cet espace chargé de particules et d’incertitudes de toutes sortes, parfum de finitude et d’angoisses perceptibles. La chaleur du foyer est une récompense. Dans cette proximité constante, les liens que nous avons tissés avec nos proches se vérifient et se testent sans échappatoire pour aucuns de nous !

Aussi longtemps qu’il existe, coconnez-vous, lovez-vous dans votre petit ou vaste lieu de vie. Plein comme un œuf ou vide à souhaits, c’est votre tanière, votre refuge, votre grotte. Il est  façonné par vos images, décorez des objets que vous aimez, il parle de vous, petits, grands. C’est votre bateau dans la tempête qui fait rage ! Naviguez.

Paula Oppliger Mahfouf, catéchète professionnelle


La plume de Lara Kneubühler

Notre productivité et nous

« Il est 7 heures du mat' sur l'horloge de mon existence

Je regarde la petite aiguille et j'imagine son importance »

Grand Corps malade « Midi 20 », Universal 2006

Les rues sont quasi vides, presque tout est fermé et il semble que la vie s’arrête. Nous n’avons plus personne à voir, d’endroits où aller, d’activités à faire. Bien sûr, l’essentiel de l’existence demeure : se nourrir, s’occuper de sa famille, nettoyer le lieu de vie. Le confinement encouragé par la Confédération ralentit toutefois considérablement notre rythme. Ce changement d’une société frénétique et stressée à une société ralentie et mise en suspend n’est pas sans nous secouer au plus profond, dans notre identité même. Cela semble peut-être exagéré au premier abord et pourtant le confinement pose la question : et maintenant, quoi ? Notre réponse en dit long sur notre vision du monde et de nous-mêmes. Beaucoup se sont réjouis d’avoir enfin du temps pour. Ecrire, dessiner, repeindre une chambre, en bref : toutes ces activités qui passent bien souvent à la trappe du quotidien. Rien d’étonnant à cela : notre société moderne se définit par le faire. Pour être valorisé(e), il faut avoir fait beaucoup de choses. Il faut savoir gérer sa vie seul(e) entre travail, loisirs, vie sociale et responsabilités ménagères. Et si possible s’épanouir et se trouver soi-même. Un sacré catalogue de choses à accomplir ! De surcroît, leur accumulation présente une grande pression et charge mentale. En ce sens, il est intéressant de remarquer qu’un certain nombre de personnes ont le réflexe d’importer la frénésie sociétale dans ce temps décéléré. Le temps devient donc un moyen : il faut atteindre, faire, produire. Malheur à nous s’il nous venait à l’idée de nous arrêter un instant ! Rien d’étonnant à cela : notre société moderne se définit par le faire. Or, la perspective du christianisme est toute autre : nous sommes, alors nous avons de la valeur. Le simple fait d’exister suffit. Être suffit. C’est dans l’être et non dans le faire, dans la simple existence en tant que personne aimée et acceptée par Dieu que nous recevons notre valeur.

Lara Kneubühler, pasteure


La plume de Marco Pedroli

Les risques et la promesse

Vu mon âge, je suis une personne à risques. D’ailleurs autour de moi il y a plein de personnes à risques. Il y a les retraités, mais pas seulement. Car de nombreuses personnes ont des maladies chroniques et des traitements, contre le diabète, l’hypertension, l’asthme ou des allergies. Elles sont toutes à risques.

Ceux qui ne sont pas eux-mêmes à risques ont dans leur entourage une personne vulnérable, fragile ou malade. Nous sommes tous en lien avec des femmes ou des hommes fragiles et nous dépendons les uns des autres.

« Autrefois », je veux dire avant l’apparition du virus, il n’y avait pas de personnes à risques. Que des biens portants, forts, courageux, musclés, beaux. Ils faisaient la fierté de notre société occidentale bien développée. Tout le monde était heureux, les affaires allaient bien, la bourse bondissait de joie. Les seniors et les personnes atteintes dans leur santé faisaient tout pour vivre en harmonie avec les bien portants, forts et courageux, si bien qu’il n’y avait pratiquement plus de différences.

Juste les très vieux, les très malades et les « quand même un peu bizarre » ne participaient pas au bal. On les mettait à part, dans des maisons spéciales, ou dans des hôpitaux ou alors on les laissait seuls dans leur coin.

Aujourd’hui, nous sommes tous retirés dans notre coin. Confinés comme on dit. Pour éviter les contacts et ainsi arrêter la progression du virus. Nous sommes tous à risques, tous fragiles, tous vulnérables, tous susceptibles de recevoir le virus et de le transmettre.

Plus qu’avant, nous nous rendons compte à quel point nous avons besoin les uns des autres. Pour nous approvisionner et nous soigner bien sûr. Mais aussi, pour parler, pour pleurer, pour souffler et soupirer. Les autres sont indispensables pour nous, peu importe qu’ils soient à risques ou sans. Nous avons besoin de ces contacts, de ces partages, des mots, des signes, des émotions.

Et ça se passe. Des hommes et des femmes, beaucoup de jeunes manifestent leur solidarité avec joie, créativité et inventivité. Ils ne se résignent pas, mais ils trouvent des moyens souvent surprenants d’aider et de soutenir. Ils permettent ainsi que la vie soit possible et généreuse. Et comme par enchantement ce réseau de contacts et de solidarités favorise la re-découverte du sens de notre existence, il nous approche des valeurs essentielles.

J’espère qu’après le virus, lorsque la vie reprendra son cours, nous garderons vivaces des réseaux de solidarité et d’entraide. Qu’à travers ce temps de confinement et de solitude aussi, nous mûrirons et nous approfondirons notre recherche des valeurs essentielles. C’est ainsi que nous vivrons consciemment en lien avec la création et son créateur. Nous découvrirons une nouvelle proximité et la vie aura un goût nouveau. De plus, ceci permettra aux eaux de se régénérer et à la planète de souffler.

 

Marco Pedroli, pasteur